ParaMag - n°336 - Mai 2015 - 16

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LA MIXITÉ

Lors du «Colloque-Convention» de Strasbourg du 1er au 3 février
dernier, le président du GEPP (Groupement des Exploitants
Professionnels du Parachutisme), Olivier Jean-Baptiste, a été invité
à la tribune par la présidente de la FFP, Marie-Claude Feydeau, afin
de présenter en commun ce qui a été appelé la «mixité dans les
avions».
Rien à voir avec le plan de féminisation de la FFP : la «mixité dans
les avions» est la possibilité pour des paras pros brevetés par le
ministère des transports et des parachutistes brevetés par le
ministère des sports d'embarquer ensemble dans un même avion
au sein d'un établissement d'APS (Activités Physiques et Sportives).
Rebelote lors de l'AG de la FFP du 14 mars dernier : il est annoncé
avec la solennité requise que les ministères de tutelle ont donné
leur accord écrit pour que leurs brevetés réciproques puissent
embarquer dans le même avion.
Merveilleux pays que la France paperassière où l'on peut
s'interroger et se déchirer longuement sur une telle question
existentielle ! Alors quoi : deux personnes brevetées par l'État
peuvent monter dans le même avion avec des brevets délivrés par
deux ministères différents dudit État ! Stupéfiant !

Par Yves-Marie Guillaud

Il est envisagé une 1ère étape consistant à créer des passerelles
d'obtention réciproque du BPJEPS tandem (sport) et de la
qualification biplace para-pro (transport) puisque c'est dans ce domaine
que réside l'âpre conflit pour le juteux marché du tandem-biplace.
Est-ce une étape utile ? Procéder par étapes est parfois une bonne
stratégie pour résoudre les conflits, mais ce peut être aussi une
manière de les éluder sans les régler. En conservant deux statuts
pour le même marché, même avec un double statut pour une
même personne, rien n'est réglé.
Il se pourrait que l'étape de passerelles stoppe le rapprochement au
milieu du gué. Si dorénavant tous les moniteurs-pilotes tandembiplace ont à la fois le BPJEPS et la qualif para-pro, cela
changera-t-il concrètement quelque chose ? Par exemple, quel taux
de TVA appliquer, faut-il une visite médicale du passager, quel type
de responsabilité et quelles modalités d'assurance ?
Passer à l'étape suivante est une tout autre histoire : il s'agit de
parvenir à un brevet unique, un statut unique tous ministères
confondus. Mais entre BPJEPS tandem et qualif para-pro biplace,
lequel choisir ? Les antagonismes et rivalités momentanément mis
de côté réapparaitront.

On pense à Charles de Gaulle qui disait en 1962 : «Comment
voulez-vous que les Français s'entendent dans un pays où il y a
deux cent soixante-dix sortes de fromages ?».

Puisque c'est le tandem-biplace qui génère ce pataquès, il faut
avoir le courage d'exprimer ce que tout le monde - ou presque pense mais n'ose exprimer : le tandem-biplace n'est pas vraiment
un acte sportif et le passager, qui est passif, incapable de faire une
action autonome et ne reçoit aucune formation technique, est un
simple passager.

La bonne nouvelle n'est pas l'annonce de la mixité. C'est de voir ce
qui était inenvisageable un an avant (Colloque-Convention de
Nantes) : la présidente de la FFP et le président du GEPP côte à
côte sur la même tribune, et plus extraordinaire, le président du
SNPP (Syndicat National des Parachutistes Professionnels)
déjeuner avec eux lors de l'AG du 14 mars.

Pour qu'il soit un acte d'enseignement, d'encadrement ou
d'animation sportive, prérogative du BPJEPS, il faudrait autre chose
que confier les commandes au passager pendant quelques instants
du vol sous voile. Qui est prêt à renoncer à l'objectif de rentabilité
maximale et à passer du temps avec les passagers ? Jusqu'à quand
les administrations, dont le fisc, seront-elles dupes ?

Sur le fond, n'a-t-on pas réinventé l'eau chaude avec cette mixité
dans les avions ? Car depuis quand l'accès à un avion serait-il limité
ou réparti par les règles de l'Aviation Civile selon le ministère ayant
délivré le brevet ? N'est-ce pas juste un faux problème dont l'origine
réside dans une concurrence pour des parts de marché,
essentiellement du marché tandem-biplace ?

Jetons le pavé dans l'eau trouble du marigot ! Si le tandem n'est pas
vraiment un acte sportif pour le simple passager, la tendance
pourrait s'orienter vers le transport plutôt que le sport, donc vers la
qualif para-pro biplace plutôt que vers le BPJEPS tandem. Les
esprits chagrins s'étrangleront sans doute à la lecture de cette
phrase...

Les vrais problèmes posés par la mixité sont d'une autre nature. Le
premier est fiscal, avec d'abord la TVA : le sport peut être soit
exonéré de TVA soit imposé au taux de 20% tandis que le transport
est imposé au taux de 20% mais le GEPP sollicite auprès du fisc un
taux de 10%. Aujourd'hui, c'est 0% ou 20%. Demain ce pourrait
être 0%, 10% ou 20% selon le cas.

Si le transport obtient une TVA à 10% là où le sport restera à 20%,
la question ne se posera plus : le tandem biplace basculera
automatiquement vers la qualif para-pro biplace. Avec la mixité
dans les avions devenue officielle, et peut-être les passerelles, la
distinction entre les brevets et qualif ne devient que pure théorie, et
nombre d'écoles et DZ fédérales ne s'encombrent déjà plus avec
elle.

Le second est réglementaire. Par définition (articles L.322-1 et
suivants du Code du sport), il n'est pratiqué que du sport dans un
établissement d'APS, lequel forme un tout qui n'est pas
fractionnable. Il faudra trouver un mécanisme permettant d'y
pratiquer aussi du transport, biplace ou solo. Une directive
interministérielle pourrait y suffire.

Mai15:336
paramag.fr

Le vrai chantier concerne l'harmonisation des brevets. Brevets
d'encadrement : DPJEPS versus qualif instructeur para-pro,
BPJEPS tandem versus qualif biplace para-pro. Brevets solo :
brevets A, B, C, ..., de la FFP, moniteur et initiateur fédéral versus
brevet para-pro. Un casse-tête.

La FFP n'a guère à y perdre : les licences tandem à 0 euros ne sont
d'aucun rapport financier et ne comptent pas pour l'attribution de
subventions en diminution du fait de l'impécuniosité de l'État. Elle
y gagnerait les frais de gestion des licences tandem et le
tarissement d'une source de conflits. Elle pourrait créer une
commission mixte pour aider à l'unité du picrocholin milieu
parachutiste.
Il est temps d'avancer vers le brevet unique. «En suivant le chemin
qui s'appelle plus tard, nous arrivons sur la place qui s'appelle
jamais» Sénèque. ■

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