L’école aujourd’hui - n°9 - Mai 2010 - (Page 18)

Dossier Un AUTre regArd sUr l’éCole Analyse Une question de regards ? Dans une période où l’école tend plutôt vers l’uniformisation des pratiques, vers la réduction de la place de la pédagogie, vers une standardisation des approches de l’enfant, on pourrait légitimement penser qu’elle s’appauvrit et qu’elle ne mérite plus la confiance qui lui était massivement accordée par l’opinion publique. Mais n’est-ce pas seulement une question de regards ? i l’on peut observer des phénomènes de découragement, de lassitude, de rejet, de résignation à revenir à des pratiques anciennes qui furent considérées comme obsolètes mais qui ressurgissent avec force, il faut prendre le temps de gratter un peu les apparences pour découvrir des trésors. dans toutes les écoles, il y a des enseignants résignés qui font le choix des pratiques très traditionnelles recommandées fermement par leur hiérarchie au nom de la loyauté. il faut reconnaître qu’elles sont beaucoup plus faciles à mettre en œuvre. Mais dans toutes les écoles, il y a également des enseignants qui cherchent, qui innovent, qui réalisent des projets passionnants, qui mobilisent les enfants, qui ouvrent leur classe, qui expliquent et dialoguent. il ne s’agit pas d’écoles particulières, expérimentales ou privées, mais d’écoles ordinaires où se trouvent des enseignants extraordinaires… S des enseignants innovants ou non totalement conformistes est beaucoup plus élevé que celui observé à l’égard de pratiques traditionnelles, ce qui rend la tâche des novateurs beaucoup plus difficile et qui les conduit parfois à une discrétion et à une modestie qui les desservent. il ne s’agit pas pour ces enseignants d’innover pour innover, mais d’innover pour mieux répondre aux besoins des enfants d’aujourd’hui, pour garantir l’amélioration de la réussite scolaire, pour inscrire l’école dans une perspective humaniste à long terme. L’enseignant doit considérer cet élève comme un être intelligent, comme un feu qu’on allume plutôt que comme un vase qu’on remplit. innover pour améliorer les parents ignorent le plus souvent la qualité de ces enseignants. ils ont même parfois tendance à les critiquer dans la mesure où ils ne sont pas conformes aux modèles dominants et à l’image de l’école sous influence de la nostalgie du passé. Par ailleurs, on sait que, depuis toujours, le degré d’exigence de la hiérarchie de l’éducation nationale à l’égard 18 l’école aujourd’hui n°9 Qui sont ces enseignants novateurs ? comment les repérer, leur faire confiance quand les enfants ont la chance de se trouver dans leur classe, les soutenir dans leur entreprise difficile, participer à leur réflexion ? Souvent, ce sont des enseignants engagés dans des mouvements pédagogiques mais qui ne l’affichent pas toujours, à tort. le GFeN, l’iceM Freinet, le craP, l’aFl, l’occe impulsent des réflexions et des projets qui mériteraient d’être davantage connus. Parfois, ce sont des ensei- gnants isolés qui sont préoccupés par les problèmes des enfants et qui prennent dans la littérature pédagogique abondante en France, des idées à exploiter et des éléments à expérimenter. Parfois, ce sont des groupes de collègues qui, malgré le hasard des nominations à l’ancienneté, se trouvent des affinités et décident de coopérer pour entretenir le bonheur d’enseigner. il arrive que des écoles toutes entières soient mobilisées sur un vrai projet pédagogique qui n’est pas qu’un document formel rangé dans un tiroir mais un outil pris en compte par chacun au quotidien. Tous ces enseignants méritent d’être reconnus. ils sont plus nombreux qu’on ne le pense. ils sont courageux car toute innovation exige un travail supplémentaire et une force de conviction pour surmonter les suspicions de la hiérarchie, les doutes des familles et parfois l’hostilité de leurs propres collègues au sein d’une même école. une question de regards… Qu’est-ce que l’école autrement dans ces classes où la pédagogie a réellement un sens, où elle ne se réduit pas au talent dans l’application du modèle unique de la transmission et l’explication magistrales, ou à l’habileté qui peut s’apparenter à la séduction ? c’est d’abord une question de regards ! mai 2010

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