L’école aujourd’hui - n°9 - Mai 2010 - 17

tion active d’aujourd’hui a connue. Mais depuis 15/20 ans, on assiste à un retour à la “scolarisation” de la maternelle avec de moins en moins de temps pour le jeu libre et l’expression réellement créative. l’introduction des livrets d’évaluation en 1990 et les programmes de 2008 ont accentué ce mouvement. dans ce contexte, les maternelles différentes semblent proposer autre chose en favorisant davantage l’autonomie de l’enfant et la prise d’initiative, et en respectant davantage ses rythmes. Les écoles dites “différentes” sont-elles les ennemies de la mixité sociale ? M.-L. V. : certaines écoles différentes reçoivent majoritairement des enfants des classes sociales favorisées, en raison de leur coût (dans le privé) ou parce que seuls les parents d’un petit monde d’interconnaissances ont accès aux connaissances leur permettant de choisir d’y scolariser leur enfant. c’est par exemple le cas de la majorité des écoles Montessori ou Steiner, ou de beaucoup d’écoles “nouvelles” en revan. che, les classes Freinet et “pédagogie institutionnelle” sont publiques et leurs enseignants choisissent souvent de travailler dans des quartiers en difficulté. les militants Freinet ont toujours eu un projet politique : ils lient leurs théories à une volonté de transformation sociale et estiment qu’une “autre éducation” doit permettre l’émancipation des classes populaires. les écoles différentes ne sont donc pas les ennemies de la mixité sociale, bien au contraire : puisqu’elles visent (et généralement permettent) la réussite de tous, du plus grand nombre, et non de quelques-uns. Quant au fait que les écoles privées différentes accueillent des enfants de milieux privilégiés : l’éducation nationale possède une part de responsabilité dans cette situation, puisqu’elle freine souvent la mise en œuvre de ces pédagogies dans le public, gratuitement et pour tous.

Vous décrivez quelques écoles “à aires ouvertes” et vous dites qu’elles ont mis en place une pédagogie nouvelle, innovante et active. L’architecture scolaire et les moyens mis à disposition lors de la construction d’écoles influencent-ils le fonctionnement de l’école ? M.-L. V.: dans les années 1960, lorsque les écoles à aires ouvertes (c’està-dire sans cloisons intérieures entre les classes, et avec une architecture favorisant les liens avec le quartier : absence de clôture autour de la cour de récréation par exemple) ont été construites, cela a effectivement favorisé une pédagogie différente. Mais, aujourd’hui, la situation est différente. l’organisation des locaux et l’équipement des locaux sont des facteurs plutôt secondaires pour expliquer le faible nombre d’innovations éducatives. les vraies raisons sont d’abord culturelles, historiques (nos représentations de l’école, par exemple), elles tiennent aussi aux choix des décideurs et à la formation des enseignants. L’école numérique qui se profile aujourd’hui, comme on le verra plus loin dans le reportage, apportera-t-elle selon vous le renouveau attendu dans l’école ordinaire ? M.-L. V. : au xxe siècle, l’invention de la radio, de la télévision, des diapositives, du magnétoscope, du film, la démocratisation des voyages… tout cela aurait pu ré-

Dans la crise actuelle de l’école, les pratiques des écoles “différentes” ou “alternatives” sont peut-être, à certaines conditions de mise en œuvre, des prototypes pour l’école de demain. »
volutionner l’enseignement. cela n’a pas été le cas. les innovations technologiques ne favorisent pas toujours les innovations pédagogiques. Pour le numérique, tout

Marie-Laure Viaud relève que les écoles “différentes” sont souvent mal connues alors que la plupart d’entre elles réussissent aussi bien que les écoles “standards”.

dépendra de la façon dont on s’en sert : avec un tableau blanc numérique et des manuels électroniques, on peut faire faire aux élèves exactement les mêmes exercices dénués de sens qu’ils faisaient auparavant… ils ne les feront plus sur leur cahier mais sur écran… est-ce un vrai changement ? Mais les nouvelles technologies peuvent favoriser les échanges, les recherches documentaires autonomes, individualiser l’enseignement… dans ce cas, effectivement, cela pourra contribuer à transformer les pratiques. Propos recueillis par Gisèle Méténier
1. Une école Freinet. Fonctionnements et effets d’une pédagogie alternative en milieu populaire, Yves euter (dir.), équipe Théodile, l’harmattan, 2007. 2. L ’École obligatoire : pour quoi faire ?, claude lelièvre, retz, 2004.
l’école aujourd’hui n°9

Marie-laure Viaud

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