L’école aujourd’hui - n°9 - Mai 2010 - 16

Dossier

Un AUTre regArd sUr l’éCole entretien

Marie-Laure Viaud
Concevoir l’école autrement
Marie-Laure Viaud nous fait part de son analyse sur le choix possible d’une école dite “alternative”. Elle a, lors de ses recherches, observé, analysé puis recensé dans son ouvrage tous les types d’établissements qui existent actuellement, de la maternelle à l’université.
L’École Aujourd’hui : Vous venez d’écrire un ouvrage très exhaustif sur les écoles différentes en France. Quelles raisons ont motivé cette recherche ? Marie-Laure Viaud : en écrivant ce livre, je voulais faire connaître les écoles différentes, dans un ouvrage clair et facile à lire, mais aussi appuyé sur des enquêtes de terrain approfondies et sur les travaux de recherche existants. Plus généralement, je m’intéresse aux écoles “différentes” ou “alternatives” car elles sont mal connues, très peu étudiées et souvent rejetées, alors que la plupart d’entre elles réussissent aussi bien que les écoles standard dans plusieurs domaines. ces écoles parviennent à susciter du plaisir d’apprendre : les élèves disent y venir avec plaisir, ils ont plus d’autonomie, de créativité, sont davantage capables de prendre des initiatives ou de monter des projets. certaines recherches concernant les apprentissages, comme celle menée sur le groupe concorde de Mons-enBaroeul1, montrent que les élèves de ces écoles réussissent au moins aussi bien que leurs camarades des écoles “standard” voire mieux dans , certains domaines. il y a aussi très peu de problèmes de violence ou
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Se conformer et respecter simplement les instructions officielles ne suffirait-il pas à rendre l’école différente ? M.-L. V. : en tout cas, si les instructions officielles étaient mieux suivies, l’école aurait sûrement un autre visage. dès 1881-1882, les instructions publiées par jules Ferry ont proposé que les enseignements dits “seconds” (histoire, dessin, activités manuelles, leçons de choses…) aient autant d’importance que le “lire/écrire/compter”2… les io de 1923 affirment que “la rédaction libre, comme le dessin libre, est recommandée car elle inspirera aux élèves le désir d’écrire. L ’enseignement de […] la géographie se donnera d’abord en promenade. On utilisera le cinématographe et la projection fixe.” on incitait notamment les enseignants à partir en “classe promenade” Quant aux devoirs à la mai. son, ils ont été interdits en 1956 ! il y a toujours eu un décalage entre les prescriptions et les pratiques. cela tient à de multiples facteurs,

Marie-Laure Viaud est docteur en Sciences de l’éducation, maître de conférences à l’université d’Artois (IUFM de Villeneuved’Ascq). Elle a publié en 2009 Une école différente pour mon enfant ? (Nathan), où elle s’interroge sur les différents types d’écoles qui existent actuellement dans notre pays.

mais notamment aux lacunes de la formation des enseignants. ce n’est pas en supprimant les iuFM que la situation risque de s’améliorer ! La pédagogie active pratiquée en général dans les écoles maternelles, nécessite-t-elle qu’il y ait des écoles spécifiques telles que celles que vous décrivez ? N’est-ce pas plutôt la réponse à un problème lié plus particulièrement à l’école élémentaire ? M.-L. V. : là aussi, un détour par l’histoire est intéressant. depuis les années 1830 et le début des salles d’asile, on oscille entre deux “logiques” pour la scolarisation des 3-6 ans : instruire très tôt les enfants ou, au contraire, favoriser le jeu libre et l’épanouissement. le modèle de la maternelle de Pauline Kergomard (importance du jeu, de l’expression créative, respect des rythmes de l’enfant, etc.) n’a vraiment fonctionné qu’entre les années 1950 et 1980. c’est la maternelle que la généra-

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d’incivilités dans ces écoles. Bref, dans la crise actuelle de l’école, ces pratiques sont peut-être, à certaines conditions de mise en œuvre, des prototypes pour l’école de demain.

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