ESCP ALUMNI magazine #202 - Juin 2023 - 57

Culture ❙ Green is good
Propos recueillis par Florian Lefèvre
« La restauration, c'est une
chaîne de valeurs énorme »
Des produits frais, locaux, de saison, livrés à vélo dans des contenants réutilisables :
c'est comme ça qu'en 2012, Les Marmites Volantes ont mis leur grain de sel sur le marché
des plats cuisinés. Onze ans plus tard, les repas préparés à Saint-Denis investissent désormais
les assiettes des cantines scolaires. Ariane DELMAS (ESCP 01) livre sa recette.
Ariane DELMAS (ESCP 01)
fondatrice Les Marmites Volantes
Quelle est la genèse de votre
entreprise engagée dans
l'alimentation durable ?
Ariane Delmas : A la sortie d'ESCP, j'ai
travaillé chez Fauchon, dans la gastronomie
chic et chère, pendant quatre ans. Après, je
suis passée dans le voyage d'affaires chez
Carlson Wagonlit Travel. J'avais une vie au
bord de la schizophrénie : à côté de ce job,
où je cramais mon bilan carbone, j'étais
engagée dans les luttes sociales et environnementales.
- notamment à Notre Dame
des Landes. J'ai commencé à cuisiner en
tant que bénévole dans des associations, en
ayant déjà l'idée que se nourrir et nourrir les
autres, c'était un acte fort.
Pourquoi est-ce un acte fort de
nourrir les autres ?
A.D. : Comme le dit un chef (Florent
Ladeyn, ndlr) : « manger, c'est voter au moins
trois fois par jour ». Être restaurateur, c'est une
chaîne de valeurs énorme. Quels produits on
achète ? A quel prix on les paye ? Comment
on embauche des salariés ? Comment on les
respecte ? Comment on vend ? A quel prix
on vend ? Cela fait bien des années que des
gens se posent des questions sur comment
se nourrir, ; simplement, ils n'étaient pas
visibles dans les médias parce qu'ils remettaient
en cause un ordre qui convenait à une
grande majorité. Moi, je savais que l'étape
d'après, c'était d'aligner ma conscience personnelle
avec ma conscience professionnelle.
Et en 2011, j'ai co-fondé Les Marmites
Volantes en me disant : « je suis convaincue
que le monde peut être différent, alors moi aussi,
je vais y contribuer ».
A travers quels engagements ?
A.D. : Le premier jour, avec mes associés,
on a fait un tour de table et on a très vite
identifié les quatre engagements qui caractérisent
encore aujourd'hui l'entreprise :
les approvisionnements responsables, la
mobilité douce, la réduction des déchets
et l'engagement social, car la restauration
n'est pas qu'un monde d'exploitation et de
maltraitance salariale. Il fallait trouver un
modèle économique tenable parce qu'on
ne voulait pas être ouvert le soir ou le weekend.
Alors, dès le départ, on a fait la livraison
de Marmites Volantes, en vélo, en plus du
service au restaurant qui permettait de faire
le chiffre d'affaires nécessaires pour salarier
les gens (à ce jour, l'entreprise est composée
de 30 salariés CDI et de deux alternants et a
réalisé plus de 2 millions d'euros de chiffre
d'affaires en 2022, ndlr).
ESCP Alumni Magazine numéro 202 ❙ JUIN 2023
Comment étiez-vous perçus ?
A.D. : Une partie des gens nous prenait
pour des hurluberlus. A l'époque, on ne parlait
pas d'entreprise à impact, on ne parlait
pas d'économie sociale et solidaire. Mais
pour nous, ça nous paraissait juste du bon
sens : des horaires de travail compatibles
avec une vie privée, où on se respecte les
uns, les autres, où on réfléchit à comment
on construit les relations ensemble. Avec
Les Marmites Volantes, on a un objectif de
rentabilité pour assurer la pérennité de l'entreprise,
mais sûrement pas pour être super
riches.
La gastronomie, c'est un héritage
familial chez vous ?
A.D. : Personne n'était de ce métier dans
ma famille. Mes parents étaient fonctionnaires.
La cuisine, c'était le week-end.
J'accompagnais ma mère au marché, mais le
soir, en semaine, on était plutôt dans l'efficacité
avec coquillettes-jambon... Quand on
s'est lancée dans Les Marmites Volantes, une
de mes grands-mères m'a dit : « attends, tu as
fait ESCP pour éplucher des carottes ? ». Pour
elle c'était surprenant, mais c'est ce qui me
rendait heureuse. Ceci dit, en 2014, j'en ai eu
assez de faire du houmous et du taboulé. A
ce moment-là, en bonne entente avec tout
le monde, j'ai décidé de ne plus faire d'opérationnel
et de rester actionnaire. En 2018,
je suis revenue pour prendre la direction
de l'entreprise. Depuis, on a développé le
scolaire, l'activité de restauration collective
qui nous occupe le plus.
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