ESCP ALUMNI magazine - #205 - Mars 2024 - 32

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Dossier ❙ Portrait
Par Fabien Palem
La finance selon Mélanie
KEITA (MS 18) :
des chiffres et des êtres
est Kenyan, alors je ne suis pas très objective. »
Le master développement durable de ESCP
en poche en 2018, elle enchaîne plusieurs
expériences dans la finance, en particulier
auprès de fonds d'investissements tournés
vers l'Afrique. Des expériences qui
la
Mélanie KEITA (MS 18)
co-Founder & CEO Melanin Kapital
«
J'ai grandi en France, avec le rêve de
m'installer un jour en Afrique ». Quand
elle doit définir son rapport avec son
continent de cœur, Mélanie Keïta, 30 ans, n'y
va pas par quatre chemins. Fille de parents
africains, immigrés en France et tous deux
« partis de rien », la jeune femme grandit au
fin fond de la campagne normande, pour
ensuite s'installer à Paris, où elle entame
un cursus à ESCP Business School, marqué
par plusieurs séjours à l'étranger (Berlin,
Londres, Australie). C'est en 2022 qu'elle
pose ses valises au Kenya, où elle semble
partie pour rester.
Cette passionnée de voyages et de grandes
villes trouve dans la capitale, Nairobi, une
sorte de New York à l'africaine : « C'est une
ville tellement productive, cosmopolite, pleine
d'immeubles et de nouveaux chantiers. Ça
grouille d'événements ! Les adeptes du Niger
me répondront que Lagos est un cran au dessus.
Peut-être, je ne sais pas... Mais la vie au Kenya
est tellement cool. Il n'y a pas photo ! » Et déroule
avec enthousiasme les nombreux atouts du
pays : la mer et les cocotiers à portée de vol, la
montagne à moins d'une heure, les safaris...
« Bon d'accord, finit-elle par avouer. Mon mari
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conduisent à Francfort, en Allemagne. C'est
là qu'avec son associé, Ian Kibira, qu'elle
décrit comme un « serial entrepreneur »,
Mélanie fonde Melanin Kapital, une
plateforme de levée de fonds destinée aux
PME africaines. Ses origines, son carnet
d'adresse et sa dévotion pour ce continent
font d'elle la meilleure alliée pour tenter
l'aventure : « l'Afrique, pour quelqu'un qui n'est
pas du continent, ça peut faire peur. Les fonds
d'investissement n'ont pas forcément confiance
s'ils ne se rendent pas sur place ».
L'entreprise est crée en février 2020, un mois
tout juste avant le début de la pandémie
de covid. « On était coincés en Allemagne et
sur le coup ça nous paraissait le pire moment
pour créer une boîte, forcément ! » se rappellet-elle
aujourd'hui, avec détachement et
légèreté. Pourtant, la réalité va jouer en sa
faveur. La façon de faire du business mute
pour permettre, presque naturellement,
de numériser le networking. « En 2019 on
parlait du projet mais il nous fallait encore
économiser pour prendre les billets d'avion et se
rendre sur place, rembobine l'entrepreneuse.
Avec la pandémie, il a suffi d'investir 20
euros mensuels pour l'abonnement Zoom.
Et avec ça : la possibilité de démultiplier les
rendez-vous à distance. Finalement, je n'ai
jamais fait autant de réseautage que l'année
du Covid ». Entre dix et douze calls back
to back par semaine, qui permettent à
Melanin Kapital de croître rapidement.
Plusieurs banques kenyanes suivent, avec
elles quelque 300 PME. L'entreprise établit
ESCP Alumni Magazine numéro 205 ❙ MARS 2024
au passage quelques relations prestigieuses,
telles que le gouvernement allemand et la
banque africaine d'investissement. Après
ce démarrage sur les chapeaux de roue,
l'objectif pour l'année à venir est clair :
atteindre 10 000 PME partenaires. La cible ?
Les entreprises urbaines et tech friendly,
dans un premier temps, avant d'accéder
un jour au fin fond des campagnes et de
se connecter avec les fermes, du Kenya au
Sénégal ! Pour ça, selon Mélanie Keïta, il
faudra attendre fin 2025 ou début 2026 : « la
technologie SMS pourrait être un atout ».
Après avoir excellé dans le réseautage via
écrans interposés, la jeune femme évolue
désormais de manière hybride : beaucoup
de réunions à distance mais aussi beaucoup
de terrain. « En Afrique on aime se rencontrer,
se voir. C'est très important d'avoir un contact
personnel !» D'autant plus pour Mélanie, qui
insiste sur un point : « L'important c'est de
ne jamais oublier que les finances, c'est aussi
beaucoup d'émotion, pas que des chiffres. Ça, on
ne nous l'a pas pas forcément enseigné. » Celle
qui est devenue professeure affiliée à ESCP
Business School partage son savoir-faire, à
travers ses cours d'impact investing dans les
pays émergents. Elle s'abreuve de la fraîcheur
de la vision des étudiants. « Donner des cours
c'est beaucoup de travail mais aussi beaucoup
de bonheur, confie-t-elle. Je ne m'attendais pas
à ce que ça me rende aussi heureuse ! » Une
expérience qui l'a poussée à lancer, en juin
dernier, un projet d'offres de formation.
Épanouie dans son costume d'entrepreneuse
à l'international, Mélanie loue les mérites du
réseau ESCP, même pour ceux qui sont loin
de la France comme elle. « Si quelqu'un de
l'école passe au Kenya, il sera bien reçu, assuret-elle.
D'ailleurs, mes camarades ne vont pas
avoir le choix car en 2025, je me marie ! »
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