ESCP ALUMNI magazine - #204 - Novembre 2023 - 17

Dossier ❙ Un slasheur sachant slasher
J'ai pu transformer la frustration en une
prise de risque. En finir avec le salariat, ça a
été comme de sortir de ma coquille : je me
suis rendu compte que tout était possible !
moins de 30 ans, contre moins de 20 % pour
les 60 ans et plus. Le slashing englobe des
réalités très différentes les unes des autres,
en plus d'être une pratique difficile à cerner
avec précision. Il se pourrait donc que de
nombreux travailleurs entrent, sans même le
savoir, dans cette « case » aux contours flous.
Selon les chercheurs qui ont étudié le
phénomène, être slasheur signifie souvent
être un digital native et avoir bercé dans
la culture de l'instantanéité. Souvent
n'est pas toujours. Car, comme l'analyse
Fabienne OLIVIER (EMBA 2000) spécialiste
du phénomène (Cf : interview p.20), « les
jeunes séniors sont le deuxième collectif le plus
représenté au sein des slasheurs ». « Arrivé à
la cinquantaine, les enfants ont grandi et les
crédits sont payés. Alors, de plus en plus de
professionnels décident de bifurquer », analyse
la fondatrice de la plate-forme slasheurs.io.
« À mon âge, tu n'es plus dans les radars des
chasseurs de tête et des recruteurs, confirme
Michel KOCH (MS 92), 57 ans, qui s'est
lancé dans le slashing en mai dernier. Il y a un
jeunisme terrible en France. Au Royaume-Uni,
c'est très différent. Là-bas, les professionnels
sont choisis uniquement en raison de leurs
compétences et de leur carnet d'adresse. Peu
importe si tu as 35 ou 50 ans ! » Diplômé de
ESCP en 1992, Michel a surfé sur la vague du
virage numérique dès sa sortie d'école. Celui
qui fit partie des pionniers de l'e-commerce
en France a longtemps évolué à Londres,
avant de revenir en France, il y a cinq ans,
pour le compte de l'Institut du commerce
connecté (Lille). En plus de ses missions
de management de transition vers l'ecommerce,
Michel organise désormais ses
propres événements, toujours à la croisée
du retail, de l'e-commerce et des nouvelles
technologies. Il officie aussi en tant que
directeur en France de GreyHairWorks, un
réseau pro dédié aux quinquagénaires.
Le seul regret de ce néo-slasheur ? Avoir
autant attendu avant de se lancer. « Tout
au long de ma carrière, j'ai préféré la jouer
safe, confesse ce père de quatre enfants.
Finalement, le choix du slashing s'est imposée à
moi car à la fin, je ne partageais plus les valeurs
des personnes pour lesquelles je travaillais.
Dans ce genre de situations, certains partent en
burn-out. Moi, j'ai pu transformer la frustration
en une prise de risque. J'ai décidé d'en terminer
avec le statut quo ! J'ai discuté avec d'autres
personnes qui avaient franchi le pas. En finir
avec le salariat, ça a été comme sortir de ma
coquille : je me suis rendu compte que tout
était possible ! » Tout, y compris dédier une
place inamovible à la musique et au sport
dans son agenda professionnel. Comme
Michel, trompettiste jazz, d'autres n'ont
pas attendu leur retraite pour faire la part
belle aux activités de loisirs, bien souvent
non rémunérées.
Noémie KEMPF (MiM 15) est elle aussi
passée par plusieurs entreprises, avant de
se livrer aux joies du slashing en avril 2019.
Spécialisée dans la création de contenus et
de marques blanches, elle a toujours aimé
écrire durant son temps libre. « Je ne voyais
pas comment cette passion pour l'écriture
pouvait être monétisable, confie-t-elle. Chez
Numa, l'entreprise où je travaillais, on m'a dit
vas-y lance-toi, on adore ta plume. On va te
payer pour ça ! » Une révélation pour la jeune
femme : « J'ai de suite trouvé ça passionnant
et enrichissant de créer un business qui me
ressemblait. Je choisis des clients avec qui je
ESCP Alumni Magazine numéro 204 ❙ NOVEMBRE 2023
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partage certaines valeurs. Parfois, il arrive que
des relations amicales se développent au fil de
la collaboration. »
Qui dit liberté et changement de lifestyle
dit souvent nomadisme. La mobilité
figure parmi les arguments de poids des
slasheurs. À l'inverse, accepter le salariat
revient la plupart du temps à se sédentariser.
Le slashing permet plus facilement de
mettre le cap sur les destinations de son
choix. En passe de s'installer sur Marseille,
Noémie présente un CV fourni de
nomade digitale. Au gré des vents et des
opportunités, elle a passé des séjours au Cap
Vert, en Albanie, au Portugal, au Mexique,
en Allemagne et en Espagne. La mer fait
(presque) toujours partie du quotidien de
cette plongeuse aguerrie.
http://www.slasheurs.io
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