ESCP ALUMNI magazine - #204 - Novembre 2023 - 16

Dossier ❙ Un slasheur sachant slasher
A
vant d'accorder ma guitare, je
prends soin d'allumer mon ordinateur
portable et de vérifier les
ingrédients présents dans le placard de
ma cuisine. C'est lundi, le premier jour de
ma semaine de programmateur Web. Mais
peut-être enseignerai-je, en début d'aprèsmidi,
un solo de guitare à l'un de mes élèves
particuliers... Il se peut aussi que je prépare
la recette que je me suis engagé à présenter
à l'événement bistronomique de demain.
Enthousiaste, curieux, parfois un peu
indécis. Libéré des carcans du salariat, je
suis mon propre comptable, mon propre
représentant syndical. Oserai-je dire mon
propre patron ? On dit de moi que je suis
un slasheur, de l'anglais slash, cette barre
oblique que je place impunément entre
les activités qui animent mon quotidien.
Programmateur / prof de guitare / traiteur.
Depuis 2020, le Petit Larousse me définit
comme une « personne, généralement issue de
la génération Y, qui exerce plusieurs emplois et/
ou activités à la fois ».
La liberté, l'épanouissement personnel
et l'esprit créatif ? Absentes du dico, ces
notions ont pourtant motivé mon choix.
Peu importe, je n'ai que faire des étiquettes.
Réductrices, par définition. Je slashe, tu
slashes, nous slashons. Adrien RIVIERRE
(MiM 16), à sa manière, slashe lui aussi.
Diplômé de ESCP, le jeune homme de
32 ans a tellement naturalisé cette façon de
faire qu'il en avait oublié le terme. « En lisant
ce mot dans votre mail, je suis revenu dix ans en
arrière. À l'époque tout le monde parlait de ça.
C'était un phénomène nouveau », rembobine
celui qui s'est lancé en freelance en 2019.
Adrien a lancé plusieurs projets
(Résonnances, Les Réveilleurs, Design
Fiction Studio) qui s'alimentent
naturellement les uns des autres. « Toutes
mes activités ont une relation avec les mots,
que ce soit à l'écrit ou à l'oral, explique-t-il.
Mon métier consiste à trouver la manière de
mettre en récit le monde et notre relation au
monde. » Après quatre ans en entreprise,
Adrien s'est rendu compte que « [sa]
boussole, c'était la liberté ! » Un aller simple
dans la vie du jeune homme, qui ne regrette
pas d'avoir dépassé sa phobie administrative
et les craintes liées au manque de visibilité
financière, propres à quiconque s'émancipe
du salariat.« Je suis très attentif à ma gestion du
temps, qui est l'un des grands défis du slasheur.
En même temps, je suis libre d'assouvir ma
curiosité, se félicite ce féru de story telling
et de prise de parole en public, auteur
de plusieurs ouvrages sur la question. Je
ne perds pas de temps en réunion. Si je veux
regarder un docu sur Arte le lundi matin car
cela peut nourrir une réflexion sur un projet,
je le fais ! »
La France compterait 6 millions de
pluriactifs ou slashers, selon une étude
menée en 2022 pour le Salon SME. Parmi
eux, combien de représentants de la
générations Y (nés du début des années
1980 au milieu des années 1990) et Z
(nés entre 1995 et 2000) ? Si la tendance
au slashing touche aujourd'hui toutes les
générations, elle accapare près de 40% des
Je ne perds pas de
temps en réunion.
Si je veux
regarder un docu
le lundi matin car
cela peut nourrir
une réflexion
sur un projet,
je le fais !
Adrien RIVIERRE (MiM 16)
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ESCP Alumni Magazine numéro 204 ❙ NOVEMBRE 2023
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