ESCP ALUMNI magazine - #203 - Septembre 2023 - 30

Carrière ❙ Portrait. Alumni of the year 2023
Propos recueillis par Ana Boyrie
Amélie, anti-gaspi
Après dix ans passés au cabinet de conseil Bain & Company, quatre ans à la stratégie France de
Coca-Cola, Amélie DUMONT (MiM 04) change de cap et intègre en 2019, Phenix. Une startup
qui, forte de ses 180 employés et 17 antennes, lutte contre le gaspillage alimentaire. Une mission
qui résonne avec ses convictions pour qui rien ne se perd, rien ne se jette, tout se transforme.
Amélie DUMONT (MiM 04)
Chief revenue & impact officer à Phenix
6
0 millions de repas sauvés de la poubelle
en 2023. Amélie Dumont, chief
revenue and impact officer (CRO)
chez Phenix, n'est pas peu fière de ce score.
Il y a de quoi. À raison de 10 millions de
tonnes de nourritures jetées chaque année
dans l'Hexagone, l'ampleur du gaspillage
alimentaire est de taille. Un constat pénible
lorsque l'on sait que 16% des Français ne
mangent pas à leur faim et qu'un tiers de
la nourriture gaspillée suffirait à nourrir les
personnes dans le besoin. De quoi se tordrele
le ventre. « Avec Phenix, chaque utilisateur
sauve plus de 300 000 repas par an », félicite la
directrice. Or, au pays des « Phéniciens et phéniciennes
», ils sont cinq millions inscrits sur
l'application. Un nombre qui a particulièrement
explosé au moment de la pandémie -
en 2021, la startup française a quintuplé le
nombre de ses utilisateurs à 1,4 million - et
qui, depuis, ne cesse de croître. Le principe
est simple : la vente à prix réduit (jusqu'à la
moitié du prix initial) de paniers surprises
d'invendus, à proximité du domicile ou du
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lieu de travail. Sur un tarif unitaire moyen
de cinq euros, la startup en récupère un. Et
ce n'est pas tout. « Nous sommes aussi l'intermédiaire
entre supermarchés (Carrefour, Leclerc,
Intermarché, Système U, Monoprix...), industriels
ou producteurs ayant des invendus sur
les bras, et plus de 5000 associations caritatives
en France, en Espagne et au Portugal, précise
Amélie. Et quand ces invendus ne peuvent pas
être consommés par l'homme, ils peuvent être
donnés en alimentation animale. »
Le choc d'une chambre froide
Si Phenix voit le jour en 2014, à l'initiative
de Jean Moreau et Baptiste Corval, c'est en
2019 - soit cinq ans plus tard - qu'Amélie
rejoint l'aventure. « J'ai assisté à une présentation
de Jean au Salon de l'Entrepreneur et je
me suis dit : " dingue, ce type a monté la boîte
que j'avais envie de lancer " . » Comme un
signe du destin. Amélie en est convaincue,
le gaspillage est l'un des fléaux majeurs du
XXIe siècle et l'un des défis les plus importants
à relever pour sauver la planète. Du
côté des politiques, le sujet du gaspillage
alimentaire a lui aussi pris de l'ampleur,
puisque plusieurs lois comme la loi Garrot
en 2016, la loi Egalim 1 en 2018 et la loi
anti-gaspillage de 2020, ont été mises en
place. Prise de conscience ? « Ça reste
quand même quelque chose d'abstrait, quelque
chose dont on a du mal réellement à toucher
du doigt. » Peut-être devrions-nous faire
comme elle : se rendre sur le terrain, plus
particulièrement dans la chambre froide
d'un supermarché. « Vous vous retrouvez avec
des bacs énormes de déchets, remplis de pizzas,
ESCP Alumni Magazine numéro 203 ❙ SEPTEMBRE 2023
de salades, de produits préparés, de sushis, de
viande... Bref, des produits qui ont une très
forte valeur nutritionnelle et pécuniaire, qui
sont encore consommables mais dont la date
vient tout juste d'être dépassée, et qui sont donc
jetés. Ça a été un vrai choc. » D'autant que
chez les Dumont, rien ne se perd. Petitefille
d'agriculteurs normands, Amélie se
souvient de phrases comme 'prends plutôt
cet épluche-légumes pour tes pommes de
terre, comme ça, tu n'enlèves qu'une peau
très fine et tu ne gaspilles pas de nourriture'.
Chez ses parents, même histoire : « On ne
jetait rien à la maison, poursuit-elle. Il fallait
finir son assiette, finir les restes, on n'achetait
pas de produits préparés. On m'a transmis
qu'un aliment, ça a une valeur : une personne a
travaillé pour que ça termine dans ton assiette.
Donc si tu n'aimes pas tant pis, tu termines. »
Depuis, Amélie sursaute à l'idée qu'un produit
n'ait pas été « usé jusqu'à la corde » ou
« consommé jusqu'à l'os ».
Commissaire-priseur, marketing
& conseil
Avant d'accepter la mission Phenix, cette
maman de trois enfants a mené plusieurs
carrières. 1997 : la tête dans les bouquins,
la question se pose d'intégrer une prépa
khâgne et hypokhâgne. « Mais j'avais aussi
envie d'avoir un pied dans la réalité, nuancet-elle.
Dans le monde qui agit, plutôt que le
monde qui lit, qui écoute, qui regarde. » Après
une prépa faite au lycée parisien Saint-Louis
de Gonzague - Franklin, c'est donc ESCP
qu'elle intègre en 2000. Déjà à l'époque, il
ne fallait pas gaspiller. Amélie profite de
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