ESCP ALUMNI magazine - #203 - Septembre 2023 - 16

Dossier ❙ Une idée européenne
C
'était il y a 50 ans. En 1973, l'Union
Européenne élargissait les bases
du marché commun en accueillant
dans ses rangs le Danemark, l'Irlande et le
Royaume-Uni, moment également choisi
par la Chambre de commerce et d'industrie
de Paris pour créer l'école des affaires
européennes de Paris, ou EAP. Un audacieux
projet continental : première école
multi-campus, l'institution permet aux
managers de demain de successivement
se former dans trois grandes villes différentes
: Paris, Oxford et Düsseldorf. Suite
à la fusion de l'EAP avec ESCP en 1999, la
formule académique restera globalement
identique : l'actuel Bachelor en management
de ESCP Business School offre ainsi à
ses bénéficiaires la possibilité d'étudier dans
3 pays différents - un par année scolaire - les
campus de Londres et Berlin se substituant
désormais à ceux d'Oxford et Düsseldorf. Ce
modèle d'apprentissage continental pourrait-il
dès lors avoir contribué à modeler un
management typiquement européen ? « En
1992, la signature du traité de Maastricht -
qui renforce le marché commun et instaure
l'Union monétaire - a réintroduit la question
du management à l'Européenne » explique
le professeur en Ressources Humaines
de l'Université de Fribourg, Eric Davoine
(EAP 91). « A l'époque, on s'intéresse néanmoins
davantage à souligner les différences,
qu'à trouver une forme d'homogénéité dans les
pratiques de leadership. »
Un continent, plusieurs modèles
Des dissemblances qui perdurent
immanquablement, encore aujourd'hui.
« Les différents pays en Europe ont une culture
du management différenciée, estime ainsi
Ignacio García Alves (EAP 92), CEO du
cabinet de conseil international Arthur D.
Little, implanté notamment dans 21 pays
du vieux continent. « Les Allemands ont par
exemple un respect strict des processus, qui ne
doivent pas être changés en cours d'exécution
par les dirigeants. En Angleterre, la décision
est souvent basée sur l'expertise du chef : on va
lui faire confiance, sans chercher à analyser ses
décisions. En France, le manager va au contraire
devoir démontrer pourquoi son raisonnement
est le bon, pour convaincre ses équipes. Vous
voyez bien qu'on a affaire à une multitude
de cultures du travail et de management ».
Des styles de leadership qui sont également
la résultante des modèles de formation des
managers, qui restent assez hétérogènes.
« Prenons deux modèles nationaux chers à
ESCP, le français et l'allemand, poursuit Éric
Davoine. En France, le modèle traditionnel,
c'est le diplôme sélectif, généralement
pluridisciplinaire. Il valorise la culture générale
et les capacités intellectuelles. On forme des
managers polyvalents, capables de s'adapter
et il n'est pas rare de voir les grands dirigeants
français passer d'un secteur à un autre, d'un
métier à un autre. » Une orientation éducative
fondamentalement différente de celle qui
prévaut dans les écoles d'excellence outrerhin.
« Le modèle allemand, lui, est un modèle
centré sur l'expertise, décrypte Davoine. Ils
ont une approche de l'enseignement par
la recherche : les étudiants effectuent des
travaux visant à collecter de manière très
exhaustive de l'information. On leur demande
d'avoir fait le tour d'une expertise technique,
et ensuite, seulement, on les fera monter
hiérarchiquement. » Les différences socioculturelles
sont un autre obstacle évident à
l'instauration d'un modèle de management
européen globalisé. « Il y a tout un cumul de
En Angleterre, la
décision est souvent
basée sur l'expertise
du chef : on va lui faire
confiance, sans chercher
à analyser ses décisions.
En France, le manager
va au contraire devoir
démontrer pourquoi son
raisonnement est le bon.
Vous voyez bien qu'on a
affaire à une multitude de
cultures du travail et de
management.
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