ESCP ALUMNI magazine - #201 - Mars 2023 - 63

Culture ❙ Interview
j'ai suivi un pêcheur et son équipage de
quatre marins qui pêchaient le crabe des
neiges. C'est un animal à mi-chemin entre
l'araignée des neiges et le crabe, sa chair
est excellente. Nous sommes partis 4 fois
en mer pendant 2,3 jours. Le tournage était
méga technique, c'était un gros bateau
qui tanguait pas mal, il y avait beaucoup
de houle... C'était très sensoriel comme
expérience, tu as les odeurs, les gestes de
loups de mer qui s'enchaînent mécaniquement
sous tes yeux, tu ne peux pas faire de
pause : tu es en plein océan. Les gens là-bas
ont un quotidien tellement différent de la
métropole, ils sont 6000 et il y a très peu
de tourisme...C'est probablement l'expérience
la plus dépaysante de mon parcours,
avec celle que j'ai pu vivre juste après, à La
Réunion.
Qu'est‑ce que tu voulais filmer à La
Réunion ?
P.M : Un tout petit village d'une vingtaine
de personnes, qui s'appelle l'îlet à Bourse,
perché sur le Cirque de Mafate (NDLR :
une enceinte naturelle à parois abruptes, de
forme circulaire ou semi-circulaire, caractéristique
de la géographie de La Réunion.)
Il n'est accessible qu'en randonnée, après
5 heures de marche. Là-bas, je me suis
concentré à filmer l'école, qui a la particularité
d'avoir seulement 4 élèves. La cour de
récré est unique, ils ont une vue incroyable
sur tout le Cirque, qui est magnifique.
Aujourd'hui encore, le village est très isolé.
En 6e, les enfants partent étudier au collège
sur la côte. Ils se retrouvent dans une classe
de 30, et ça leur fait un sacré choc.
A t'écouter, on a l'impression qu'on
ne sait pas grand‑chose de ces
territoires d'outre‑mer.
P.M : Effectivement. Plus tu t'y intéresses,
plus tu te rends compte de la richesse de ces
territoires. La plupart des gens connaissent
les spécialités et spécificités corses, bretonnes
ou landaises, mais celles des outremer
? Je pense que c'est dommage et je
voulais avoir une démarche d'ouverture sur
ces territoires-là.
Puis, tu finis ton périple en passant
successivement par la Polynésie
française et Mayotte.
P.M : En Polynésie, je voulais filmer la fabrication
des planches de surf. Il faut savoir que
les plus anciennes traces de la pratique du
surf n'ont pas été retrouvées à Hawaï, mais
là-bas. Je suis donc allé voir l'un des plus
anciens fabricants de planches de surf, deux
semaines dans son atelier. Enfin, à Mayotte,
je souhaitais m'intéresser au lagon, qui est
l'un des plus beaux du monde. J'ai notamment
suivi une association qui surveille les
plages pendant que des tortues effectuent
leur ponte, pour empêcher le braconnage.
Est‑ce que tu as pu trouver
un semblant de réponse à ton
interrogation initiale : « Qu'est‑ce
que bien vivre ? »
P.M : En un sens, oui. Quand je posais la
question aux gens que je filmais, ils me
disaient : « Faire ce que tu aimes.» Ça peut
sembler cliché, mais le point commun
qu'avaient la plupart des gens que j'ai rencontrés,
c'est qu'ils travaillent 6 jours sur 7,
précisément parce qu'ils aimaient ce qu'ils
faisaient.
Tu as commencé le montage de ton
documentaire. Où, et comment
comptes‑tu le diffuser ?
P.M : Alors, il y aura déjà une première événementielle
à Paris, pour mes proches et
mes sponsors et soutiens fin 2022, début
2023. L'idée sera d'envoyer ensuite le film à
des festivals et de le vendre à une chaîne, ou
à une plateforme VOD. Ensuite, j'ai d'autres
formats en tête un peu moins colossaux,
notamment une idée de tournage sur les
amérindiens qui vivent en Amazonie...C'est
encore un projet, mais j'y travaille...
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