ESCP ALUMNI magazine - #201 - Mars 2023 - 62

Culture ❙ Interview
Le jour du départ, j'étais même toujours au
téléphone avec un de mes plus gros sponsors,
pour faire valider une de mes lignes de
financement...
Narrativement, comment as‑tu
pensé ton documentaire ?
P.M : Schématiquement, l'idée était de passer
deux semaines de tournage dans chaque
endroit. Je ne voulais pas de voix off, seulement
prendre le temps de faire des images
qui se racontent d'elles même, montrent des
discussions organiques...Toutes proportions
gardées, je me suis inspiré des formats documentaires
qui m'ont marqué : L'île au trésor,
un super docu' de Guillaume Brac, sur un
parc aquatique en région parisienne, Strip
Tease, mais aussi J'irai Dormir chez Vous
et Nus et culottés, pour l'aspect rencontre/
entrée dans l'intimité des gens.
Comment as‑tu structuré ton voyage
et ton tournage ?
P.M : L'idée, c'était donc de faire le tour du
monde, sans quitter la France. J'ai choisi sept
destinations : la Guyane, la Martinique, la
Guadeloupe, Saint-Pierre-et-Miquelon, la
Polynésie française, La Réunion et Mayotte.
Bon, j'ai quand même un peu triché, parce
que pour aller de la Guadeloupe à SaintPierre-et-Miquelon,
il faut utiliser son passeport,
car tu n'as pas d'autre choix que de
passer par le Canada.
Est‑ce que tu peux nous esquisser
certaines étapes de ce tour du
monde?
P.M : Bien sûr. D'abord, je suis allé en
Guyane. Je me suis intéressé à une troupe
de musiciens qui animent le carnaval depuis
1977, qui s'appelle Les Mécènes. Ce n'est
pas trop connu en métropole, mais là-bas,
le carnaval est un événement extraordinaire.
Il dure deux mois et le groupe que j'ai suivi,
qui est très populaire, joue à 15 musiciens
sur scène, 7 heures d'affilée, pendant des
semaines. Ma seconde destination, c'était la
Martinique. Je voulais m'intéresser à la gastronomie
locale. Donc, je suis allé à Grand
Rivière, un village tout au nord de l'ile, pour
filmer le quotidien d'un hôtel/restaurant qui
s'appelle Chez Tante Arlette. Ensuite, j'ai mis
le cap sur la Guadeloupe, pour aller rencontrer
Monsieur Claudius Barbin. C'est un
artisan réputé, qui fabrique des tambours Ka,
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ESCP Alumni Magazine numéro 201 ❙ MARS 2023
Je voulais filmer
des quotidiens
atypiques de
Français pour
montrer qu'au
sein d'un même
pays, il y a des
contrastes et
des expériences
de vie très
différentes.
des instruments traditionnels qui font partie
d'un genre musical qui s'appelle le Gwoka.
Ces tambours ont une particularité historique
: ils étaient fabriqués par les esclaves
originaires d'Afrique à partir de fûts de transport.
Les Ka ont un temps été interdits par
les autorités. Ils permettaient aux esclaves
de communiquer de façon cryptée, notamment
à travers 7 rythmes, qui correspondent
à 7 émotions différentes. Aujourd'hui, ces
instruments sont d'ailleurs devenus un vrai
symbole identitaire et culturel.
Tu es donc resté deux semaines
seul, pour filmer ce fabricant de
tambours ? Comment on gère ce
rapport quotidien et constant, avec
quelqu'un qu'on ne connaît pas ou
peu ?
P.M : Pour être honnête, je ne m'étais jamais
retrouvé dans cette situation. Il faut faire
preuve de patience, assumer qu'il ne se
passe pas grand-chose pendant une matinée,
se résoudre à seulement poser une
ou deux questions...Il faut observer, tout
en restant sur le qui-vive, pour capter les
choses intéressantes. C'est assez épuisant,
mais c'est passionnant.
Ensuite, où s'est prolongé ton
voyage ?
P.M : À Saint Pierre et Miquelon. Là-bas
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