ESCP ALUMNI magazine - #201 - Mars 2023 - 33

Carrière ❙ Grand entretien
En tout cas, après Hendaye, vous
n'êtes pas restée à quai et vous avez
pris un nouveau train !
H.V : Absolument, la SNCF cherchait un
Directeur Général pour la joint-venture
qu´elle avait créée avec l'opérateur espagnol
RENFE. Donc je suis partie à Madrid,
pour m'occuper de cette entité qui s'appelait
Elipsos et opérait les trains de nuit depuis
l'Espagne, vers la France, l'Italie et la Suisse.
J'ai découvert un univers nouveau puisque
c'était des trains de haut standing avec un
glamour incroyable. Et en parallèle, j´étais
chef du projet de lancement de l´offre grande
vitesse sur Paris- Barcelone car la France et
l´Espagne ont lancé en 2004, la construction
de la LGV Figueras-Perpignan. J'ai travaillé
8 ans en Espagne avant de partir à Bruxelles.
J'avais besoin d´un nouvel objectif après
le lancement du Paris- Figueras, et j'ai travaillé
pour Eurostar pour ouvrir la liaison
Londres-Marseille qui malheureusement
est morte avec le Covid, puis pour Thalys en
tant que Directrice des opérations pendant
3 ans. Ensuite, la force du groupe SNCF a
été de me refaire passer côté gestionnaire
d´infrastructure pour SNCF Réseau. On m'a
confié la zone de production Sud-Est. J'avais
sous ma responsabilité une équipe de plus de
11.000 personnes chargée de la maintenance
et de la régénération de toutes les infrastructures
du Sud-Est, ainsi que de la circulation
des trains. J'ai appris à gérer des très gros budgets
et de très grosses équipes, avec en prime
une entrée au COMEX de SNCF Réseau
Même si vous avez effectué toute
votre carrière chez la SNCF, on a la
sensation que vous avez la bougeotte
et que vous êtes avide de nouveaux
défis ?
H.V : Moi ce qui me plaît, c'est de lancer
de nouvelles choses, être à l'initiative de
projets. Une DRH chez SNCF Réseau m'a
dit un jour : « ton truc c'est déblayer, manager
des équipes et ouvrir de nouvelles portes,
enfin mettre le pied dans la porte et puis passer
l'épaule après ! ». Et puis l'international, c'est
comme un virus qui ne te lâche pas. Mon
mari est espagnol, j'ai deux filles franco-espagnoles
et j'avais envie de retourner en
Espagne. Au moment de la libéralisation de
la grande vitesse en Europe, le marché s'est
ouvert à d'autres opérateurs que l'opérateur
national. Je savais qu'il y avait un très beau
projet qui pourrait se monter en Espagne
et j'ai été contactée par un très gros groupe
espagnol pour monter leur projet. A ce
moment-là, j'ai eu la chance que le président
Guillaume Pepy me rattrape au vol :
« tu vas travailler sur ce projet mais tu vas le
faire pour nous, la SNCF ».
C'est ainsi qu'a démarré l'aventure
Ouigo en Espagne ?
H.V : Tout à fait. Nous avons a créé l'entreprise
Ouigo Espagne fin 2018 et nous
avons inauguré la ligne Madrid-Barcelone
le 11 mai 2021. C'était une énorme aventure
qui a été assez rapide notamment car
de nombreux services de la SNCF ont été
associés au projet. D'ailleurs ce qui est amusant,
c'est que j'ai travaillé avec une autre
alumna d'ESCP, Caroline CHABROL (ESCP
95). À Madrid, je constituais les équipes,
montais l´opérateur ferroviaire, j'écrivais les
processus, tandis qu'elle travaillait depuis
Paris, coordonnait et alignait les équipes. On
a constitué un binôme de choc, ce qui nous
a permis de livrer le projet dans les temps
et de contribuer à l'énorme succès de Ouigo
Espagne. Depuis l'ouverture de la ligne
Madrid-Barcelone, le trafic a crû de 49%
en un an. Mais nous ne comptons pas nous
arrêter là. D'ailleurs, le 7 octobre dernier, la
ligne Madrid-Valence a ouvert. Au deuxième
trimestre 2023, Ouigo va commencer à opérer
sur la ligne Madrid-Albacete-Alicante.
En 2024, ce seront les ligne Madrid-Malaga
et Madrid-Séville qui verront le jour. Nous
aurons alors 15 allers-retours par jour, une
offre de 10 millions de places par an. C´est
une véritable success story.
Comment vous expliquez que Ouigo
ait rencontré un succès immédiat en
Espagne ?
H.V : C'est un très beau produit qui bénéficie
à la fois d'un très bon rapport qualité-prix
et d'une grande qualité. La grande vitesse à
prix low-cost, c'est quelque chose de très
nouveau en Espagne. Historiquement sur
la grande vitesse, les tarifs étaient bien plus
chers qu´en France. L'AVE (TGV espagnol)
était un produit réservé à une élite, et à la
clientèle business. Cela avait été pensé en
On m'a dit un
jour : ton truc c'est
déblayer, manager
des équipes et
ouvrir de nouvelles
portes, enfin mettre
le pied dans la
porte et puis passer
l'épaule après !
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