ESCP ALUMNI magazine - #201 - Mars 2023 - 19

Dossier ❙ Ce que le sport peut apprendre à l'entreprise
chez les collaborateurs. » Ainsi, il n'est pas rare
que des anciens sportifs fassent partie du
panel des intervenants de ces formations qui
mettent l'accent sur toutes les compétences
non-techniques. Mais, au-delà de quelques
conférences ponctuelles, le monde de
l'entreprise n'aurait-il pas intérêt à s'enrichir
davantage auprès des anciens sportifs en
leur donnant des responsabilités ? Plus
que les compétences techniques requises,
l'expérience tirée de leur première carrière
ne serait-elle pas plus précieuse pour une
entreprise ?
Pour Ysaora Thibus (MiM 17), la réponse est
évidemment oui. « Le fait d'être sportive de haut
niveau te donne une capacité d'adaptation, une
gestion du stress et de l'imprévu supérieures »,
nous confiait en 2021 l'escrimeuse de
l'équipe de France, formée à ESCP en
parallèle de sa carrière. « Je pense que le sport
apporte beaucoup, c'est une école de la vie. Il
ne faut pas oublier, qu'être athlète, c'est une
profession qui demande beaucoup de qualités.
Quand on se reconvertit, on a déjà une vraie
expérience professionnelle », poursuivait la
récente championne du monde de fleuret en
individuel. Ancienne escrimeuse elle aussi,
mais au sabre, qui travaille désormais comme
responsable des ressources humaines, AnneLise
Touya Menant (MiM 06) abonde dans ce
sens : « Je pense que le sport, et encore davantage
au plus haut niveau, c'est une expérience de vie.
Il y a des points communs : la recherche de
l'excellence et l'orientation solution, la remise en
question, l'exigence, la rigueur... », développe
l'actuelle responsable gestion des carrières
chez Rexel France.
En 2016, Adèle Stern (MiM 19) avait en
ligne de mire la qualification aux JO de Rio
en pentathlon moderne (un sport combiné
qui rassemble à la fois l'escrime, la natation,
l'équitation et une course à pied avec tir
au pistolet à laser). Après avoir manqué le
coche, elle a décidé de tourner la page du
haut niveau dans cette discipline plurielle
particulièrement exigeante. Formée à ESCP
dans la foulée, elle a commencé à travailler
en alternance chez IBM à 24 ans. « Ce qui
peut être très délicat, moi ça me faisait peur, c'est
que je n'avais jamais fait de stage, ni de petit
boulot, parce que je gagnais assez grâce à des
subventions des collectivités. Et surtout, je n'avais
pas le temps et aucunes vacances ». Finalement,
elle a trouvé sa place : « J'ai toujours été dans
des équipes qui ont su tirer profit de mes forces
et me donner du travail intéressant ». A 33 ans,
Adèle Stern est aujourd'hui coordinatrice
de projets pour Paris 2024 à... Marseille et
à Nice, où auront lieu des épreuves de voile
et de football. Quand on l'interroge sur ce
qui caractérise particulièrement les sportifs
de haut niveau, elle met en exergue deux
éléments. D'abord, c'est la compréhension
de l'objectif. « Pas seulement d'avoir envie d'être
le meilleur, c'est la culture de savoir quel est
l'objectif et comment l'atteindre. Toute notre vie,
on nous apprend à réaliser des rétroplannings
pour être le mieux préparé possible le jour de la
deadline. Et c'est exactement ce que l'on fait dans
une entreprise ». Ensuite, c'est l'organisation.
« Moi, à la base, je ne suis pas quelqu'un de très
organisée, mais j'ai été obligée de rationaliser
mon temps pour caser tout ce que je devais faire
dans une journée et utiliser mon temps du mieux
possible », témoigne l'ancienne championne
de France juniors du pentathlon moderne.
Pour atteindre les cimes de son sport,
chaque champion ou championne vous
dira qu'il faut savoir faire une croix sur
les sorties en boîte de nuit ou la soirée du
nouvel An quand il y a entraînement le
lendemain matin. Bref, être capable de
faire des sacrifices. Ancienne coureuse
spécialiste du 800 m, ayant représenté la
République Démocratique du Congo aux
JO d'Athènes en 2004, Noellie Mankatu
(EMS 19) considère justement que ces
sacrifices ont forgé chez elle une « résistance
mentale » et une « vision à long terme ». Des
qualités qui lui servent aujourd'hui dans sa
nouvelle vie d'entrepreneuse. Être athlète
de haut niveau, c'est aussi savoir faire des
arbitrages : sur quelle course s'aligner plutôt
qu'une autre ? Pour quand planifier son pic
de forme ? « C'est pareil avec mon entreprise,
je ne peux pas aller à tous les événements »,
compare Noellie Mankatu, aujourd'hui
conseillère et formatrice en constitution et
gestion de patrimoine après une formation
à ESCP Business School. Sept ans après
avoir arrêté la compétition internationale
en pentathlon moderne, Adèle Stern confie
pour sa part qu'elle n'a jamais rien trouvé
d'aussi difficile durant sa carrière sportive
que de surmonter des blessures. « Ce sont
des moments qui te forgent pour la suite dans le
monde de l'entreprise », note la coordonnatrice
de projets chez Paris 2024. La perspective
de devoir partir en quête d'un nouveau
projet professionnel après les prochains Jeux
Olympiques ? Ça ne lui fait pas peur. « Une
carrière sportive est faite de rebondissements.
Dans ma vie, j'ai envie de monter des projets
excitants. J'ai besoin de nouveaux challenges
régulièrement », déclare celle qui a laissé
l'épée et les parcours d'obstacles de côté,
mais continue de participer à des trails
à haut niveau amateur. Au début de sa
deuxième carrière, quand elle occupait un
poste opérationnel dans une grande banque,
Noellie Mankatu, elle, n'était pas épanouie
au quotidien. C'est ce qui l'a poussée à créer
sa propre entreprise en 2019. « Quand on est
sportif, on a besoin d'un coach. Ensemble, on vit
les évènements intensément. Dans l'entreprise,
Toute notre vie, on nous apprend à réaliser
des rétroplannings pour être le mieux
préparé possible le jour de la deadline.
Et c'est exactement ce que l'on fait dans
une entreprise.
Adèle STERN (MiM 19), ancienne pentathlète moderne
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