ESCP ALUMNI magazine - #199 - Septembre 2022 - 67

Culture ❙ Interview
économique. Une des priorités pour transformer
le monde tel qu'on le connaît, c'est
de transformer l'économie en la mettant
au service du vivant. Il faut inverser notre
fonctionnement : arrêter de se dire que ce
qui est bon, associatif, philanthropique est
gratuit et ce qui est toxique est financiarisé.
Au contraire, il faut arrêter de financer ce
qui est toxique et prendre toutes les décisions
économiques à l'aune de la Théorie
du Donut, c'est-a-dire dans le respect des
limites planétaires et de la justice sociale. Je
souhaite que l'ensemble du système économique
se transforme en ce sens. Pour
cela, l'économie sociale et solidaire (ESS)
doit devenir dominante et c'est ce qui est
en train de se passer. Je souhaite intégrer
cette idée dans les récits de manière plus
globale : comment penser le monde de
demain en transformant l'économie ? Cette
année, Mouvement Impact France a choisi
le thème de la sobriété pour les universités
d'été de l'économie de demain qui auront
lieu en août. C'est un enjeu crucial selon moi
aujourd'hui : apprendre à dé-consommer,
choisir de décroitre, reprendre goût à faire
moins aujourd'hui pour faire avec demain.
En 2019, tu as créé Imagine 2050.
A travers cette société, quel est
l'imaginaire commun que tu
souhaites défendre ?
M.P : J'ai créé Imagine 2050 pour accompagner
les leaders culturels et économiques
dans leur prise de conscience sur ces enjeux
et dans la transformation de leurs récits.
Nous accompagnons notamment des séries
(comme « Plus belle la vie ») sur leurs arches
narratives, des grands groupes audiovisuels
et des régies média dans leur transformation.
Concrètement, nous leur proposons une
boîte à outils, parmi lesquels une conférence
qui synthétise quinze scénarios prospectifs
(issus des travaux du GIEC, du Shift Project,
de l'ADEME) pour leur offrir un cadre de
réflexion, de prise de décision et de créativité
pour les artistes. Ces travaux mettent en
évidence la sobriété comme étant la seule
alternative nous permettant de continuer à
habiter cette planète.
Cette année, tu as lancé Newtopia
avec Cyril Dion et Marion Cotillard
à Cannes. Le prix Ecoprod y a
également été décerné pour la
première fois. Penses-tu que le
monde du cinéma s'est emparé des
sujets liés à la transition écologique ?
M.P : L'objectif de notre société de production
Newtopia, c'est d'imaginer à quoi le
monde demain pourrait ressembler dans le
meilleur des cas afin de commencer à le créer
dès aujourd'hui. Nous avons aussi un objectif
de mobilisation autour des films : donner
les outils aux spectateurs afin qu'ils puissent
passer à l'action. Et nous souhaitons évidemment
écoproduire.. Malheureusement,
le festival de Cannes n'a pas reconduit les
avancées mises en place l'année dernière,
comme la sélection « le cinéma pour le climat
». De plus en plus de producteurs et
d'artistes ont envie de s'emparer de ces
sujets mais ne savent pas comment. Avec
Newtopia, nous souhaitons proposer des
résidences d'artistes, des co-productions ,
des collaborations trans-média afin d' alimenter
une nouvelle vague culturelle.
L'univers du cinéma doit lui aussi
changer sa manière de penser et de
fonctionner ?
M.P : Oui.. Nous appelons les professionnels
du cinéma à prendre leurs responsabilités
de générateurs d'imaginaires, à sortir des
dystopies pour créer des utopies lucides qui
nous donnent envie d'agir. Et nous sommes
là pour les accompagner sur ce chemin. ❙
Le cinéma doit
créer des utopies
lucides qui nous
donnent envie
d'agir.
ESCP Alumni Magazine numéro 199 ❙ SEPTEMBRE 2022
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