ESCP ALUMNI magazine - #199 - Septembre 2022 - 19

Dossier ❙ Repenser le travail
faire revenir les gens au bureau ? Comment bien
gérer le flex office ? Comment continuer à garder
une qualité de vie au travail et un lien social,
quand le travail en termes de rythme est devenu
plus décousu ? » détaille Ketut DAVID-LIEGE
(2000), International project manager chez
Human & Work, groupe de conseil dédié à
l'Humain au travail. Une manière de dire
que pour attirer et retenir des talents, les
entreprises doivent se réinventer et repenser
leur manière d'opérer. Certes, elles ne
seront pas en mesure de retenir tous ceux
et celles qui veulent changer de vie pour
devenir naturopathes ou professeurs de
yoga mais elles ont pris conscience qu'elles
devaient proposer à leurs collaborateurs
une meilleure qualité de vie au travail. Dès
lors comment y parvenir ? Nos alumni
apportent un éclairage essentiel, issu de leur
retour d'expérience, sur la question et nous
donnent les clés pour repenser le travail à
l'occasion de cette rentrée 2022.
Le télétravail, oui, mais
Tous les alumni s'accordent sur un point :
il devient très difficile de recruter en ne
proposant aucun télétravail. Aujourd'hui,
obliger les gens à venir tous les jours
au bureau est souvent perçu par les
collaborateurs comme un synonyme
de micro-management. Pour autant, ça
n'est pas demain que les gens arrêteront
totalement d'aller au bureau. En tout cas
cela n'est pas souhaitable selon Etienne
PORCHE : « Avec le full remote, il est
très compliqué de construire une culture
d'entreprise forte. Et d'avoir une équipe 100%
alignée. En tant que chef d'entreprise, je veux
que mes équipes se connaissent et qu'il y ait
une cohésion ». En effet difficile de créer du
lien entre des équipes qui travaillent en
permanence à distance. Selon les études
qu'Etienne PORCHE suit attentivement,
le remote permet une forte efficacité
individuelle sur les tâches mais engendre
une perte d'émulation collective et de sens
d'appartenance. Autrement dit, en full
remote et sans conversations à la machine
à café, le lien social avec les collègues tout
comme le lien identitaire construit avec
l'entreprise ont tendance à se distendre.
Résultat chez Les Sherpas, Etienne a fixé
des règles claires : les collaborateurs doivent
travailler au bureau 2 à 3 jours par semaine.
L'autre sujet, c'est que tout le monde
n'est pas égal face au télétravail, ainsi si
certaines personnes sont ravies de travailler
de chez elles, d'autres ont besoin de venir
au bureau pour trouver leur équilibre
aussi bien professionnel que personnel.
Dès lors, charge aux entreprises, d'être
agiles, flexibles et de mettre en place des
normes mouvantes et adaptables selon les
collaborateurs. Pas toujours une sinécure :
« Le télétravail est entré dans les mœurs mais
il doit être absolument individualisé et c'est
pour ça que les entreprises ont du mal à le
gérer » explique Olivier JACOB. « D'un point
de vue RH, ne pas avoir la même règle pour
tous, c'est quelque chose de très nouveau. Mais
la flexibilité et la réactivité sont nécessaires.
Encore plus qu'avant, il s'agit de manager en
fonction des collaborateurs » estime quant
à elle Stéphanie MALGOUZOU. Un
management personnalisé donc.
Combattre la réunionnite et à la
culture du présentéisme
En France, les lumières dans les bureaux
restent souvent allumées tard dans la nuit,
ce qui a tendance à agacer le professeur
Isaac GETZ : « On a tendance à penser que
plus tu restes tard au travail, plus tu accomplis
des choses, alors que c'est faux. A l'inverse, si tu
pars plus tôt, on va se dire que tu ne travailles
pas assez, cette vision est très passéiste. Je
connais assez bien les Danois qui terminent
leur journée à 16h30. Eux considèrent que s'ils
n'ont pas été capables de finir leur travail à cette
heure-ci, c'est qu'ils ont été mal organisés ».
Etienne PORCHE ne dit pas autre chose :
« Faire pile poil ses heures et se lever à 18h00 de
son bureau tous les jours pour rentrer chez
soi n'a pas de sens. Certaines personnes font
volontairement des gros horaires dans le conseil,
ou la finance et restent à leur poste jusqu'à
minuit pour montrer qu'ils sont motivés,
c'est dommage. Mais c'est lié à notre façon
d'évaluer le travail en France ». D'autant
que des collaborateurs qui ont trouvé un
bon équilibre entre leur vie professionnelle
et leur vie personnelle, ce sont aussi des
collaborateurs plus performants. Pour
remédier à cette particularité française, il
faudrait donc placer le curseur différemment
et changer les mentalités, notamment en
utilisant des outils d'évaluation qui ne sont
pas liés aux horaires effectués. Etienne
PORCHE a aussi une autre solution à
faire valoir : celle de réduire le nombre de
réunions, bien souvent chronophages :
« Trop de réunions ne servent à rien, les réunions
doivent avoir un objectif. Chez nous, les gens ont
le droit de décliner les réunions s'ils estiment
que ça n'est pas utile. En revanche on leur
On a tendance à penser que plus tu restes
tard au travail, plus tu accomplis des choses,
alors que c'est faux.
ESCP Alumni Magazine numéro 199 ❙ SEPTEMBRE 2022
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