ESCP ALUMNI magazine - #199 - Septembre 2022 - 18

Dossier ❙ Repenser le travail
L
undi 16 mars 2020, 20h. Lors d'une
allocution présidentielle Emmanuel
Macron annonce que la France va se
confiner pour protéger ses citoyens et son
système de santé face à une épidémie alors
aussi méconnue qu'angoissante. Et c'est le
pays tout entier qui doit s'adapter face à une
situation très incertaine. Il faut alors pour
les entreprises mettre en place des protocoles
afin de permettre à leurs collaborateurs
de continuer à travailler. Deux ans et
demi plus tard, si les confinements successifs
semblent loin derrière nous, certaines
habitudes héritées de cette période inédite
sont, elles toujours en vigueur. En deux ans,
l'environnement et le cadre de travail dans
le secteur tertiaire ont évolué comme sans
doute jamais auparavant.
La crise liée à la Covid a bouleversé la
manière de travailler. Le télétravail est lui,
devenu une alternative crédible à la vie au
bureau dans de très nombreuses entreprises.
Notamment chez Simplébo, comme
l'explique Alexandre BONETTI (13), CEO
du service de création de sites internet le
mieux noté de France : « Avant la crise de
la Covid-19, chez les employés de Simplébo, il
n'y avait pas du tout de télétravail. Personne
n'avait jamais demandé à bosser de chez lui.
Aujourd'hui, les employés ont entre 1 et 4 jours
de télétravail par semaine » note-t-il. Etienne
PORCHE (19), CEO et Co-founder de la
start-up de Edtech Les Sherpas dresse
le constat suivant : « On a constaté des
bouleversements sur le marché du travail ces
dernières années. Il y a un avant et un après
Covid. Depuis 2020 des pratiques qui existaient
déjà dans l'industrie tech et qui lui étaient
spécifiques comme le télétravail et le remote
work se sont démocratisées et généralisées.
Difficile de lui donner tort. Désormais, il devient
difficile de distinguer un mardi matin, d'un
vendredi après-midi d'été en se basant sur
l'affluence des bureaux. Les open space sont bien
souvent vides. Et les collaborateurs travaillent
tantôt depuis Marseille, tantôt depuis Nantes
où ils se sont installés. Dans les bureaux, plus
rien n'est comme avant. Un changement qui se
joue également au niveau des aspirations et de
l'attitude des gens vis-à-vis du travail.»
Le jour où elle a fait passer un entretien
en visioconférence pour un important
poste de Directeur Commercial et
que le candidat a répondu en t-shirt,
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ESCP Alumni Magazine numéro 199 ❙ SEPTEMBRE 2022
Stéphanie MALGOUZOU (03) a réalisé
que quelque chose avait changé : « Il y a
eu un bouleversement dans les attitudes en
entretien. Certains candidats sont beaucoup
plus décontractés dans la manière de se
présenter.
» constate cette alumna, qui
occupe le poste Chief Operating Officer
& Headhunter chez Talenance Executive
Search. Désormais, la volonté d'avoir un
équilibre entre la vie personnelle et la
vie professionnelle est bien plus affirmée
qu'auparavant. Un peu comme si la crise
liée au Covid avait remis en perspective la
relation de nombre d'actifs à leur travail et
que désormais, ils étaient moins disposés
à faire des sacrifices pour leur entreprise :
« Quand j'ai démarré en cabinet de conseil, je
n'aurais jamais osé dire, je dois partir à 20h
parce que j'ai théâtre. Aujourd'hui c'est moins
un sujet pour certains collaborateurs qui disent
ouvertement, je dois partir à 18h30 car j'ai
un cours de sport. C'est nouveau et pour un
manager c'est parfois surprenant » affirme
Stéphanie. En tant que recruteuse Stéphanie
est aux premières loges pour réaliser que
les aspirations ont changé. Quand elle fait
passer des entretiens, elle fait d'ailleurs
quasiment immanquablement face à deux
questions de la part des candidats : « cette
entreprise pratique-t-elle le télétravail et quels
sont ses engagements et sa politique en matière
de développement durable ? Ce sont les deux
questions qui reviennent en premier quel que
soit le niveau de séniorité ».
Comme une preuve supplémentaire
qu'aujourd'hui la quête de sens dans le
travail, et la volonté d'avoir un travail flexible
sont devenus deux éléments prioritaires à
l'heure de choisir un emploi. Et les candidats
sont en position de force, car le taux de
chômage est à son plus bas niveau depuis
2008 et que de nombreuses entreprises
doivent faire face à une fuite des talents,
notamment dans des métiers comme le
conseil : « A travers le prisme de mes clients,
j'observe que beaucoup de société de conseils
vivent une augmentation forte de démissions
et des difficultés à recruter » appuie Olivier
JACOB (94) directeur d'Inea Conseil. Si la
situation en Europe est bien différente de
celle aux Etats-Unis, le « Big Quit » ou la
« Grande démission » prend de l'ampleur et
fait tache d'huile en Europe. De plus en plus
de salariés en quête d'autonomie et aspirant
à de meilleures conditions de travail quittent
leurs emplois depuis les deux dernières
années. Finalement tous ces facteurs
accumulés et le contexte global amènent les
entreprises à se remettre en cause : « Depuis
la crise sanitaire : le monde entier fait face
aux mêmes problématiques au même moment.
Aujourd'hui les bureaux de Hong Kong et ceux
de Paris se posent les mêmes questions : faut-il
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