ESCP ALUMNI magazine - #198 - Mai 2022 - 30

Carrière ❙ La grande interview
outils logiciel, nos algorithmes de recommandation
afin d'être de plus en plus utiles
pour les commerçants. Ensuite, nous suivons
avec attention certains segments. On
nous parle souvent du marché des animaux
domestiques qui est en train d'exploser.
Énormément de commerçants cherchent
des produits à proposer dans cette catégorie
que nous suivons avec attention.
était à priori une très mauvaise nouvelle
pour nous et pour la santé de nos commerçants.
Mais nous avons réussi à transformer
cela en un avantage. Plutôt que de la subir
de plein fouet, nous nous sommes demandé
comment devenir une solution encore plus
pertinente pour eux dans cette période difficile.
Et finalement la crise liée au Covid
a accéléré le déploiement d'outils digitaux
comme les nôtres. Ce sont des choses qu'on
ne maitrise pas totalement.
Quand j'ai créé
ma première
boite, il n'y
avait que des
inconscients qui
allaient dans
les startups. Ça
n'est plus le cas,
l'environnement
a changé.
Pour en revenir à cette histoire de
licorne, qu'est ce qui a selon vous
convaincu les investisseurs de miser
sur Ankorstore ?
Les investisseurs misent avant tout sur des
gens. Ils essaient de comprendre en quoi
l'équipe qui se présente à eux est pertinente
pour résoudre le problème auquel elle s'attaque.
En tant qu'experts des marketplaces,
passionnés par le sujet et ayant travaillé avec
des milliers de marques en Europe, nous
étions une équipe très pertinente pour traiter
ce problème. Si nous avions été spécialistes
du marché automobile, nous aurions
été moins légitimes.
Qu'est ce qui explique en plus de
cela, le succès rapide d'Ankorstore ?
Il y a une part d'intangible. Je n'ai pas mentionné
la chance. La chance joue un rôle
très important, il faut être présent au bon
moment, au bon endroit. La crise du Covid
30 ❙
Plus que de la chance, cela
ressemble à de la persévérance ?
En tout cas il est sûr que la persévérance
joue un rôle déterminant. Il ne faut jamais
lâcher.
Avec le Covid, nous avons perdu 90 % de
nos business. A ce moment-là, tes investisseurs
t'appellent en te disant « T'es mort »,
tes amis te disent : « On est désolés pour toi ».
Et il faut refuser la fatalité. J'ai déjà vécu
des crises, notamment en 2008 au moment
de la création de notre première boite, et je
sais qu'une crise c'est un bon moment pour
investir. Il faut voir l'opportunité quand tout
le monde a peur, car c'est aussi un moment
où il est possible faire de grosses différences.
Vous qui avez également été de
l'autre coté en tant que business
angel, qu'est ce qui pouvait alors
vous convaincre d'investir dans une
start-up ?
C'est un raisonnement qui répond à une
logique en entonnoir, à une grille de lecture.
Premièrement : est-ce qu'ils sont convaincus
qu'il y a un gros problème à résoudre ?
Ensuite : est-ce qu'ils s'attaquent à un gros
marché. Dès lors cela m'intéresse. En tant
que business angel, je me demande toujours,
pourquoi cette équipe s'intéresse
autant à ce problème-là. Si c'est uniquement
pour l'argent, c'est moins tentant.
Il faut qu'il y ait une passion pour le sujet.
Tu le décèles assez vite en demandant par
exemple comment l'idée est venue.
Pour lever des fonds, il faut savoir
bien raconter les histoires ?
Il faut être un bon story teller, surtout au
départ, quand il n'y a rien. En réalité, un
bon entrepreneur doit vendre tout le temps.
Vendre aux employés pour les convaincre
de venir alors qu'il n'y a rien. Vendre aux
investisseurs pour les convaincre d'investir
ESCP Alumni Magazine numéro 198 ❙ MAI 2022
alors qu'il n'y a rien, vendre aux clients
pour les convaincre de miser. Il faut d'ailleurs
aussi être un peu inconscient. C'est
un peu fou de se lancer. Il faut convaincre
les gens, leur faire voir le futur qui n'existe
pas aujourd'hui et qu'on va créer ensemble.
Mais comme il n'existe pas, il faut bien que
quelqu'un l'imagine et le rêve. D'un autre
côté, il faut également que les investisseurs
sentent que tu n'es pas qu'un rêveur mais
bien quelqu'un de rationnel, capable de
concrétiser cette vision. La tête dans les
étoiles et les pieds sur terre donc !
Le fait d'être une licorne, ça change
quoi ?
L'intérêt du monde extérieur croît. Des journalistes
s'intéressent à vous, les candidats
sont plus nombreux, les partenaires aussi.
Cela nous crédibilise, pour les marques c'est
une sorte de label. En revanche, en interne,
il faut faire en sorte que cela ne change rien.
La Start-up Nation et le
volontarisme politique
d'Emmanuel Macron ont semblé
accélérer la formation de licornes
en France ? Ça a été un coup de
boost important ?
Ce n'est pas parce que le gouvernement
a dit qu'il fallait 25 licornes qu'il y en a
25, mais ça a été un signal fort dont j'ai
pu constater l'impact à plusieurs niveaux.
Les entrepreneurs sont plus ambitieux
aujourd'hui. Cela a permis d'attirer les
investisseurs également. C'est bien plus
facile de lever des fonds aujourd'hui qu'il
y a 10 ans. Et il y a des talents. Beaucoup
de candidates issues de grandes écoles, et
ESCP notamment, qui auparavant auraient
choisi de travailler en banque, en cabinet de
conseil ou chez Google, optent désormais
pour la french tech. Quand j'ai créé ma première
boite, il n'y avait que des inconscients
qui allaient dans les startups. Ce n'est plus
le cas, l'environnement a changé.
Quel message adresseriez-vous à
des jeunes diplômés qui auraient
l'ambition un peu folle de créer une
licorne ?
Allez-y, assurez-vous que vous répondez
à un gros problème et que vous apportez
une solution bien meilleure que celles qui
existent. Et surtout, lancez-vous, n'ayez
pas peur !
❙
ESCP ALUMNI magazine - #198 - Mai 2022

Table des matières de la publication ESCP ALUMNI magazine - #198 - Mai 2022
