ESCP ALUMNI magazine - #198 - Mai 2022 - 18

Dossier ❙ Le secret des Licornes
L
e 17 janvier 2022, les start-up
françaises atteignaient un objectif
que l'on pensait impossible à
toucher du doigt aussi tôt. De fait, dès la
troisième semaine de la nouvelle année,
Emmanuel Macron annonce la naissance
de la 25e
licorne française : le fabricant
de robots Exotec. Pour le président de la
République, outre la fierté nationale, c'est
une victoire personnelle et forcément un
argument de poids au moment de vanter
le bilan de son quinquennat. En septembre
2019, dans le cadre de ce qu'il appelle la
« start-up nation », Emmanuel Macron avait
annoncé vouloir 25 entreprises françaises
valorisées à plus d'un milliard de dollars
d'ici 2025. À ce moment-là, la France n'en
comptait que sept : Veepee (ex-vente-privee.
com), BlaBlaCar, Deezer, Doctolib, Kyriba,
Ivalua et Meero, les quatre dernières citées
ayant toutes atteint le milliard de dollars
de valorisation lors du premier semestre
2019. L'objectif fixé est donc atteint, avec
trois années d'avance. « On nous disait que
c'était impossible et que la start-up nation,
comme beaucoup ont dit, c'était du vent » s'est
défendu le président dans une vidéo, le
jour de l'annonce de la 25e
licorne. Au-delà
même des licornes, la France boucle là une
année 2021 record pour ce qui concerne ses
start-up. Selon le baromètre EY, les levées
de fonds sur l'année écoulée ont en effet
atteint la somme de 11,6 milliards d'euros,
du jamais vu dans l'Hexagone. Quatre secteurs
d'activité tiennent le haut du pavé:
l'e-commerce (quatre licornes, valorisation
totale de 13 milliards d'euros), la Fintech
(quatre licornes aussi, total 8,9 milliards),
les divertissements (8 milliards pour trois
entreprises) et le retail (5,48 milliards, deux
entreprises).
Alors qu'elle accusait un certain retard sur
ses voisins européens il y a encore quelques
années, la France a mis un véritable « coup
d'accélérateur tech » depuis 2015, année où
BlaBlaCar est officiellement devenue la
première licorne française, après une levée
de fonds de 200 millions de dollars. Depuis,
elle est en train de rattraper son retard de
manière fulgurante. « Il y a eu un contexte
global ultra-favorable, rembobine Caroline
Lebel (09), Directrice d'Investissement
Large Venture chez Bpifrance, la Banque
Publique d'Investissement : « la France a
attiré beaucoup d'investisseurs internationaux,
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ESCP Alumni Magazine numéro 198 ❙ MAI 2022
anglo-saxons, américains et les entreprises
technologiques françaises sont devenues très
visibles et attractives pour ces acteurs. C'est
un momentum global ». Co-fondateur
de la licorne Aircall, spécialiste de la
téléphonie d'entreprise dans le cloud,
Jonathan Anguelov (MS 13), confirme cette
effervescence générale. « La France a eu du
retard mais la tech est partout maintenant,
affirme-t-il. Le marché a évolué très vite, il
y a eu un vrai besoin de digitalisation des
entreprises, et c'est arrivé plus vite que prévu.
Désormais, en France, on a des produits ultracompétitifs,
des développeurs d'excellence, et
des investisseurs, donc on a le monde entre nos
mains. » Tout un programme.
Comprendre le marché et examiner
les besoins
L'effervescence s'est encore confirmée
quelques jours après l'annonce du président
de la République, lorsque la fintech française
Spendesk, qui a conçu une plateforme de
gestion des dépenses d'entreprises, a
bouclé une levée de 100 millions d'euros,
six mois après un tour de table du même
montant. Elle est ainsi devenu la 26e
licorne
française, lançant 2022 de fort belle manière.
Chiffre remarquable: sur ces désormais
26 licornes, cinq ont des liens profonds
avec ESCP. Outre la déjà-citée Aircall, on
trouve Ankorstore, co-fondée par Nicolas
d'Audiffret (03), Kyriba, lancée en 2004 par
Jean-Luc Robert (76), Jellysmack, dont les
deux fondateurs, Robin Sabban (MS 09) et
Michael Philippe (MS 09), sont passés par
l'ESCP, et enfin Believe, créée par Denis
Ladegaillerie (94). Une fierté pour l'école
aussi bien qu'une sorte de validation de son
enseignement d'excellence. Mais au-delà
du fait d'avoir des fondateurs passés sur les
bancs de l'école de la rue de la Répblique,
qu'ont en commun les destins de ces
startups à succès ? Avec les témoignages
exclusifs de leurs créateurs, analysons les
secrets de ces licornes Made In ESCP.
Si chacune a son histoire qui lui est
propre, on trouve, chez les unes et chez
les autres, certains points communs.
Le premier, et peut-être celui qui mettra
tous les fondateurs de start-ups d'accord,
c'est que les débuts sont toujours difficiles.
Une start-up innovante et disruptive qui se
lance a inévitablement besoin de beaucoup
de liquidités pour développer rapidement
l'activité et mettre en place ses services.
Dès lors, la solution incontournable est
de faire entrer des investisseurs dans le
capital social de la société, via des levées
de fonds. Mais lorsque l'on vient de créer
son entreprise, convaincre les investisseurs,
qu'ils soient publics ou privés, n'est pas une
mince affaire. « Au niveau des financements,
on a galéré lors des premiers mois, admet
Jonathan Anguelov d'Aircall, Notre produit
ne fonctionnait pas très bien, donc les gens
n'avaient pas foi en nous. On a fait plusieurs
rounds de financement au début, mais c'étaient
des petits billets de 30 000, 50 000 euros, ça
nous servait surtout à survivre. » Le discours
est similaire chez Jean-Luc Robert.
Précurseur, l'entrepreneur a lancé sa
première start-up en 1982, à une époque
où, selon ses dires, « les start-up avaient plutôt
mauvaise presse ». Et malgré son expérience
de plus de vingt ans dans l'entreprenariat,
il a fait face aux mêmes défis lorsqu'il a
lancé Kyriba, sa troisième start-up, en 2004.
« Au début, nous n'avions pas de client, pas
d'argent. Il a donc fallu se débrouiller, trouver
les premiers clients, vaincre les réticences et
convaincre les investisseurs ». Justement,
comment les convaincre ? Qu'est-ce qui
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