ESCP ALUMNI magazine - #197 - Février 2022 - 66

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Pour régler ce
problème des
paradis fiscaux,
il suffit de taxer
l'argent à l'entrée
et à la sortie.
Vous insistez dans votre livre sur
le fait que 50 % des transactions
monétaires mondiales transitent
par des paradis fiscaux. On y
apprend même que l'île de Jersey
est actuellement le premier
exportateur mondial de bananes.
CS : C'est un bon exemple pour illustrer
le fait qu'aujourd'hui il n'y a même pas
besoin que les marchandises ou l'argent
transitent physiquement par un endroit. Par
des opérations comptables, on fait transiter
de l'argent, des marchandises d'un endroit
à l'autre. Les gens imaginent parfois de
grandes banques avec des coffres forts dans
les paradis fiscaux. Il n'y a rien de tout ça !
Il n'y a rien du tout. A Jersey dans le temps
il y avait au moins des devantures avec des
plaques d'avocat. Maintenant il n'y a même
plus ça. Jersey est peut-être le pire paradis
fiscal à cause des Trusts. Les Trusts c'est une
structure juridique propre aux pays anglosaxons
et notamment à Jersey. L'origine de
ce droit vient des croisades où le chevalier
partait et confiait son bien à son ami intime
ou un proche. Aujourd'hui, les trusts sont
des cabinets d'avocat domiciliés à Londres
et qui vous proposent de créer une structure
opaque, juridiquement domiciliée à Jersey et
dans laquelle vous mettez l'argent que vous
voulez. Aujourd'hui, 80 % des échanges
mondiaux de banane se font à Jersey. Pour
être plus précis, ils sont considérés comme
se faisant à Jersey alors qu'à Jersey il doit
y avoir quelques kilos de bananes qui circulent
par an mais pas plus.
Comment peut-on solutionner cette
incongruité ?
CS : On sait ce qu'il faut faire pour régler
ce problème des paradis fiscaux, il suffit
de taxer l'argent à l'entrée et à la sortie !
Le problème est qu'il faut une entente
internationale.
FG : C'est une des mesures les plus faciles
à mettre en place au sein de l'Union
Européenne, notamment au niveau des
banques. Techniquement c'est très simple
puisque les ordinateurs des banques enregistrent
toutes les transactions. C'est simplement
une question de volonté politique.
En tant qu'ancien professeur à
ESCP, vous conservez toujours
beaucoup de liens avec l'école,
est-ce que vous avez perçu une
évolution chez les professeurs et
les élèves sur les sujets que sont le
capitalisme et l'écologie ?
CS : Le changement est considérable ! Il
y a par exemple actuellement un cours de
« comptabilité environnementale ». Un de
mes amis fait un cours de « finance durable ».
Donc il y a vraiment un changement qui est
important. Il y a 20 ou 30 ans j'étais obligé
de me faire discret dans l'école. J'étais
peut-être moins écolo que je ne le suis
maintenant mais j'avais quand même des
convictions politiques à peu près similaires
à celles que j'ai maintenant. Aujourd'hui,
c'est tout à fait accepté et souhaité par les
élèves que l'enseignement ait une dimension
écologique.
FG: Dans le milieu des chefs d'entreprise
que je fréquente, des gens qui sont plutôt
à droite m'ont dit qu'ils avaient trouvé le
livre intéressant parce qu'il fait écho à une
réalité. Ces gens m'ont dit : " il faudrait faire
un deuxième livre en disant comment on
procède maintenant ? " . En effet dans ce livre
nous avons surtout souligné les ruptures
indispensables et esquissé des principes
pour une nouvelle orientation économique.
Répondre à la question du « comment »
nécessite un travail politique détaillé que
font d'ailleurs certains partis (dont EELV).
Qu'on le prenne par le bout écologique ou
financier, chacun sent bien qu'on va dans le
mur, le tout c'est de trouver des consensus
pour dire : on décide d'aller ensemble ailleurs.
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