ESCP ALUMNI magazine - #197 - Février 2022 - 38

Carrière ❙ Parcours singulier
Par Audrey Brachet
No pain no g(r)ain
Alors que son parcours la conduisait sans détour vers une carrière dans le conseil en stratégie
marketing, Cléa DOSNE (20) a pris le chemin de la boulangerie et fondé SHKOP en 2019.
Depuis, avec son frère Victor, geek reconverti boulanger, ils façonnent et commercialisent des pains
bio longue fermentation et longue conservation.
Cléa DOSNE (20) et son frère
co-fondateurs de Shkop
Shkop. n.m.
1. Traditionnellement dans l'enfance
de Cléa Dosne, tartine de pain carrée
recouverte de pâte à tartiner et pliée en
triangle.
2. Aujourd'hui, pain de campagne ou
aux graines en moule d'environ 450g. Se
décline sous les noms de Alex, Bernadette,
Bianco, Carlota, Charlie, Marbella, Spelta,
Corny et bien d'autres à découvrir.
L
'épiphanie a eu lieu un dimanche
soir. A la veille de son premier
jour de travail dans un prestigieux
cabinet de conseil, Clea Dosne se
ravise, décroche son téléphone, annule
le rendez-vous et ose se lancer dans ce
projet panaire qui fermentait depuis un
certain temps déjà au sein de sa famille.
Un grand-père agriculteur céréalier, une
mère cuisinière avertie, les ingrédients
sont là. Pourtant, Cléa a longtemps hésité.
En parallèle de son parcours à ESCP, elle
développe le goût des questions existentielles,
se nourrit de réflexions sur le sens de
son futur métier. Ses premières expériences
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professionnelles sont des déceptions « je
finissais de bosser à 1h du mat', je travaillais
pour les autres, sans être jamais satisfaite, ça
ne m'allait pas, ce n'était pas la vraie vie. »
Tous les soirs durant son dernier stage, un
taxi la ramène chez elle dans la ville endormie.
À Lisbonne, elle réalise qu'elle aime
déambuler de jour dans les rues commerçantes.
La liberté d'avoir des loisirs, des
passions, des projets devient plus pressante
que le prestige. De retour à Paris dans un
bouillonnement d'interrogations sur son
avenir professionnel, Cléa discute avec son
frère un soir dans le jardin de leurs parents.
Victor, de deux ans son aîné, termine sa
reconversion professionnelle : il a quitté
le growth hacking et endossé le tablier de
boulanger. L'idée ? Redonner ses lettres
de noblesse au pain, produit artisanal et
vivant. C'est là que naît le projet d'entreprise
familiale.
Du pain sur la planche
« L'entrepreneuriat, explique Cléa, c'est la
débrouille. Quand tu as peu d'expérience, tu as
le syndrome de l'imposteur. Tout ce que je fais
tous les jours, a priori je ne savais pas le faire.
J'apprends à me débrouiller, il y a un besoin,
une crise, t'as pas le choix, tu te débrouilles.
C'est ça que j'aime dans mon métier ». La fratrie
est complémentaire : Victor gèrera la
fabrication des pains et la communication,
Cléa la stratégie commerciale, les ressources
humaines et les finances. Le projet
est familial, père et mère mettent aussi la
main à la pâte. Une épidémie de Covid plus
tard, c'est avec le premier business plan
de sa vie sous le bras que Cléa frappe à la
porte des grandes banques. Mais personne
ne veut financer un projet jugé « trop ambitieux
» porté par des gens « trop jeunes ».
ESCP Alumni Magazine numéro 197 ❙ FÉVRIER 2022
« On a rien lâché » affirme Cléa. Face aux
refus, ils lancent une campagne de crowdfunding.
Finalement, une banque accepte
de financer le matériel nécessaire à leur installation.
Aujourd'hui, ce financement est
tripartite : la BNP, la NEF (banque éthique
qui fonctionne en coopérative) et un prêt
d'honneur du Val-de-Marne.
Ce qui est
essentiel, c'est
de croire en son
produit.
À l'été 2020, leur concept de boulangerie
dans le quartier des Buttes Chaumont du
XIXe
arrondissement de Paris voit le jour.
L'ouverture est prévue pour décembre.
Terrasse, brunchs, à la parisienne. Tout est
prêt. Jusqu'à une Nouvelle mésaventure
entrepreneuriale. Le bailleur n'autorise
pas les travaux, le projet est à l'arrêt, pourtant
Victor et Cléa continuent de payer les
loyers. « On a perdu du temps, de l'argent, et
beaucoup d'énergie. Mais on a rien lâché. »
La résilience est leur mot d'ordre. Début
2021, ils trouvent enfin un local. Nouvelle
demande de prêt, signature du local, achat
du matériel, aménagement - le four passé
par la fenêtre - et enfin l'ouverture en septembre
! Dans leur fournil à Charenton-lePont
(94), le bruit des immenses pétrins,
batteurs et chambres de fermentation
assourdit les voix. La discussion est régulièrement
interrompue par une sonnerie

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