ESCP ALUMNI magazine - #197 - Février 2022 - 34

Carrière ❙ La grande interview
Un marché
d'1,4 milliards
de personnes
avec 75 villes à
plus de 1 million
d'habitants,
on est dans un
autre monde.
C'est stimulant,
et c'est aussi
l'apprentissage
d'une certaine
modestie.
certaines marques françaises en 2008, ou
des marques coréennes en 2017 sont liées
a des évènements géopolitiques extérieurs,
pas à l'attitude des chinois vis-à-vis des
expatriés qui sont en Chine.
Quid des Jeux d'hiver de Pékin en
ce début d'année ?
La décision de la France de ne pas entraver
la fête du sport par un boycott diplomatique
a été bien reçue à Pékin. Joe Biden a
boycotté diplomatiquement les Jeux alors
que le président Macron l'a bien dit : « Il ne
faut pas tout mélanger ». Les Jeux, c'est une
institution qui rapproche la planète, dans
un état d'esprit sain, sportif et compétitif.
Ça ne veut pas dire qu'on oublie le reste,
mais il est très important de renforcer ce
qui rapproche et qui n'est pas conflictuel
entre les nations, alors qu'on vit au milieu
de grandes tensions géopolitiques.
Il y a d'autres enjeux que faire une
grande fête pour la Chine, non ?
Il y a déjà l'événement sportif lui-même et
ne serait-ce que les entreprises concernées
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ESCP Alumni Magazine numéro 197 ❙ FÉVRIER 2022
par les sports d'hiver, il y aura un boum
après les Jeux de Pékin. Adidas ou Nike ont
eu des performances remarquables jusqu'à
maintenant après Pékin 2008, car il y a un
engouement pour le sport et la santé. Je
pense qu'il va se passer le même phénomène
avec les sports d'hiver. Les Chinois
aiment de plus en plus les sports d'hiver,
qu'ils ont découvert il y a seulement
quelques années ; beaucoup de mes amis
chinois y vont maintenant régulièrement en
vacances avec leur famille. Ces Jeux représentent
une opportunité forte pour toutes
les entreprises du secteur, car ils vont accélérer
l'engouement des Chinois pour les
sports d'hiver. Et on parle de dizaines de
millions de consommateurs quand on parle
de la Chine, comme vous savez !
Terminer derrière la Norvège ou
le Canada va quand même un peu
refroidir le pouvoir, non ?
Et bien je ne pense pas, pas plus qu'après
les Jeux de Pyeongchang en 2018 : ils reconnaissent
qu'ils débutent dans les sports
d'hiver, mais ils progressent vite. Il faut bien
voir qu'ils adorent apprendre des autres,
c'est absolument vrai ! Je vais vous donner
un autre exemple : avec Bain, nous sommes
membres d'un conseil privé du maire de
Shanghai, qui existe depuis plus de 30 ans.
C'est un conseil privé d'une quarantaine
d'entreprises internationales. En 1988, le
maire de l'époque Zhu Rongji - qui est
devenu ensuite 1er Ministre de la Chine
- a eu l'idée de s'entourer d'un nombre de
grands patrons pour avoir leurs conseils sur
le développement de la ville et comment la
rendre harmonieuse et accueillante pour
ses entreprises et ses habitants. Cette idée
de prendre des avis de l'extérieur, ce n'est
pas forcément à Londres ou à Paris que
je verrais cela arriver... Je vis cela depuis
plus de 10 ans me concernant, mais venant
d'un maire qui gère l'équivalent d'un pays
de taille moyenne, et qui a la modestie de
s'entourer chaque année d'étrangers qu'il
écoute avec attention, je trouve cela extraordinaire.
Et ça fait 30 ans que ça dure...
L'année 2021 a été très dure pour la
Chine : absence de vaccin efficace
contre la Covid, éclatement de la
bulle immobilière, krach boursier,
naissances en berne, décarbonation
beaucoup plus longue et coûteuse
que souhaitée, et on peut même
rajouter une contraction de la
demande, des tensions sur les
chaînes d'approvisionnement,
des objectifs revus à la baisse.
Et pourtant, 8,1 % de croissance !
Alors, 2021, une bonne ou une
mauvaise année ?
On peut dire que c'est une année qu'il
faut rapprocher de 2020, comme dans tous
les pays du monde. Il y a eu un effet en
forme de V qui a impacté la Chine mais ils
ont formidablement géré la Covid. Il faut
regarder cela sur deux ans. La progression
2021 a été favorisée pour tous les pays, car
beaucoup ont connu des croissances négatives
en 2020, sauf la Chine, performance
remarquable ! Donc sur 2 ans, c'est du 5 %
de croissance par an environ, ce qui correspond
à leur cible à moyen terme. La crise
immobilière n'est pas forcément une crise,
mais c'est la première fois que les prix se
sont stabilisés voire ont baissé : l'immobilier,
pour les Chinois, c'est leur compte
d'épargne, ils épargnent 30 à 35 % de leur
revenu, donc ils regardent cela de très près.
Hormis la Bourse, il n'y a pas un grand choix
d'investissement. Donc oui, les consommateurs
ont été un peu plus prudents dans
leurs achats, notamment dans la 2e
partie
de 2021, ce qui a engendré une moindre
croissance a l'arrivée... Les pouvoirs publics
ont conscience de cela et naviguent au
mieux, avec des politiques beaucoup moins
généreuses dans la création monétaire
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