ESCP ALUMNI magazine - #197 - Février 2022 - 33

Carrière ❙ La grande interview
plus la même dimension, ils ont recruté des
MBA, et le modèle de management s'est
professionnalisé, rapproché du modèle
occidental... Et puis, il y a un nouveau style
de management apparu plus récemment,
notamment depuis l'explosion du digital
en Chine : c'est une nouvelle forme d'entreprenariat
avec des starts-up ultra dynamiques
: par exemple, dans le domaine de
la grande consommation, 75 000 nouvelles
marques ont été lancées sur TMall- l'équivalent
d'Amazon - en 2021, ce qui rend ces
marchés extrêmement compétitifs, innovants
et volatiles.
En quoi les start ups chinoises sontelles
différentes ?
Ces start-ups se caractérisent par 3 principes.
Le premier concerne l'innovation,
avec des méthodes qui utilisent beaucoup
les données des retours clients : ce sont
des entreprises qui proposent des produits
innovants, développent des prototypes
rapidement, et qui les testent le plus vite,
sans avoir le moindre souci pour tuer ce
qui ne marche pas et bien-sûr pour conserver
ce qui peut marcher, le tout en vitesse
accélérée : le prototype est testé vite et on
perd peu d'argent car on s'aperçoit vite
ainsi si une innovation va marcher ou pas.
Le deuxième principe porte sur la vitesse
de croissance : ce sont des entreprises qui
ont l'ambition de devenir très grosses, très
vite; elles sont très bien financées par une
industrie du capital-risque très développée
et prête à prendre des risques, ce qui permet
à ces nouvelles marques de surprendre
les marques établies... Le troisième, et
c'est parfois méconnu, c'est qu'elles fonctionnent
en écosystème : c'est le modèle
d'Alibaba, stimuler et faire vivre tout un
écosystème pour se donner les conditions
de réussir, en créant beaucoup de sociétés
de services intermédiaires. Ne pas vouloir
tout faire en interne, savoir déléguer des
étapes à d'autres entreprises et se faire
confiance pour réussir ensemble. C'est
maintenant une règle qu'on trouve dans
toutes les start-ups en Chine.
Comment se pense le territoire en
termes de marchés ?
En général, c'est une combinaison entre
3 dimensions : le classement des villes, les
provinces, et la démographie : les villes
sont classées par niveau, et il y en a 5 ;
c'est un classement administratif, mais il
recouvre aussi les réalités économiques.
Tout en haut, il y a 4 villes de niveau 1 :
Pékin, Shanghai, Shenzhen et Canton, des
quasi-capitales sur le plan économique ;
ensuite, au niveau 2, on trouve une trentaine
de villes qui sont principalement les
capitales de province avec un niveau de
vie aussi très élevé - en moyenne, ce sont
des villes de 12 à 15 millions de personnes,
et ainsi de suite jusqu'au niveau 5... Plus
on descend, plus les environnements sont
petits, plus ruraux aussi. La deuxième
dimension, c'est la géographie des provinces.
C'est important en particulier pour
les industries de grande consommation, à
cause des différences de climat ou de traditions
culinaires : le nord est, en climat,
plus proche de la Scandinavie, avec un
hiver très froid et rigoureux alors qu'Hong
Kong et Canton, au Sud, sont plus sous
les tropiques : Donc on ne s'y habille pas
de la même façon et on n'y mange pas
la même chose tout au long de l'année,
sans compter que la Chine a beaucoup de
spécialités culinaires très différentes d'une
province à l'autre. Enfin, la démographie :
par exemple, la moyenne d'âge des gens
qui achètent du luxe en Chine c'est moins
de 30 ans, donc si vous êtes un acteur du
luxe, vous allez évidemment cibler les villes
avec une plus forte proportion de jeunes.
Comment s'exporte l'Europe en
Chine ? Comment les Européens
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sont-ils perçus ?
Une de mes grandes surprises, un vrai
émerveillement et je vous promets que
c'est objectif, c'est l'ouverture d'esprit et
la modestie des Chinois au sens large,
qui sont friands d'apprendre ce qu'ils ne
connaissent pas, ce qui se passe chez nous.
Les Chinois étudient beaucoup ce qui se
passe dans le reste du monde, et voient ce
qui marche et ce qui ne marche pas, et ils
en tirent des leçons pour leur pays.
Il y a une différence de perception
entre Européens et Américains ou
non, à leurs yeux ?
C'était moins le cas il y a quelques années
mais, comme vous le savez, il y a une plus
grande tension depuis quelques années,
entre la Chine et les Etats-Unis : Ça se traduit
par un certain sentiment négatif, pas
forcément vis-à-vis des Américains en tant
que peuple ni vis-à-vis de leurs marques,
mais vis-à-vis de leurs dirigeants politiques.
Dans ce contexte, l'Europe a une bonne
carte à jouer, en naviguant entre les deux.
Sur un autre plan, plus personnel, l'expatrié
est bien reçu, notamment à Shanghai, qui
est une ville qui a toujours été ouverte sur le
monde. Mais il faut rester modeste et faire
un effort d'apprentissage. C'est un monde
très nouveau : on ne s'adapte pas naturellement.
En face, tout est fait pour vous aider,
vous encourager... On est extrêmement
bienvenu... Les tensions qu'on a connues
dans le passé, comme des embargos contre
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