ESCP ALUMNI magazine - #197 - Février 2022 - 20

Dossier ❙ Les grands enjeux de l'engagement associatif
A
Au printemps 2020, alors que
la première vague de Covid19
déferlait sur la France et l'Europe,
de nombreux secteurs subissaient
de plein fouet les effets de la crise. Parmi
eux, et en première ligne, le milieu associatif.
Quelques chiffres traduisaient alors
ce malaise : au 30 avril 2020, soit un mois
et demi après le début du premier confinement,
76 % des associations déclaraient
ressentir les effets de la crise, quand 40 % se
disaient totalement à l'arrêt ou sous le seuil
des 20 % d'activité habituelle. Des données
alarmantes, même s'il en faut visiblement
plus pour faire vaciller le monde associatif
et ses acteurs. En effet, la reprise a été quasi-immédiate,
dès le premier trimestre 2021.
Selon les chiffres fournis par Recherches
et Solidarités, la situation est aujourd'hui
« plus favorable qu'avant la crise », avec près
de 70 000 associations créées sur l'année
2021, ce qui porte à 1,5 millions le nombre
total d'assos en France. Et on ne parle pas
là que de bénévolat : 10 % d'entre elles sont
des associations employeuses.
En tout, Recherches et Solidarités estime
ainsi à 1,77 millions le nombre de
personnes salariées en France dans une
association ou une entreprise sociale.
« Et pourtant, en France, les clichés sur les
associations continuent d'avoir la dent
dure », annonce Laurence Michelena (09),
aujourd'hui directrice de la communication
et de l'information chez Fondation ARC
pour la recherche sur le cancer. « Une
association peut être tout aussi compétente,
professionnelle et exigeante qu'une entreprise
pour avoir de l'impact socialement et être
pérenne économiquement. Ce n'est pas que du
bénévolat logistique, avec le cliché du sénior
barbu qui distribue la soupe. ». De fait, lors
des dernières années, les associations se
professionnalisent de plus en plus. « On
est en train de suivre le modèle américain,
à savoir des associations très pros, très
organisées, explique Caroline Boudergue
(03), Directrice générale de la plateforme
internationale Women in Africa (WIA).
« Quand on a fondé notre association, on l'a
d'ailleurs pensée comme une entreprise, sociale
certes, mais entreprise quand même, avec à
côté un fonds de dotation qui nous permet de
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mener des programmes qui sont " non-forprofit " .
On ne voulait surtout pas être perçu
comme une entreprise qui fait de la charité ».
Et forcément, cette professionnalisation
attire.
Faire carrière dans l'associatif
En effet, chiffres à l'appui, on constate
que l'engagement associatif séduit de plus
en plus de personnes, et notamment des
diplômés issus d'école de commerce. Et les
raisons sont diverses et variées. Dans le
cas de Sofiane Kherarfa (EMMD 20), c'est
la « capacité d'innovation » qui a séduit le
jeune Alumni de 28 ans. « J'ai toujours été
très intéressé par les politiques publiques, les
actions d'intérêt général, mais je ne pensais
pas qu'il était possible de lier les deux à une
carrière, détaille-t-il. Et puis, il y a six ans,
j'ai découvert le monde de l'entrepreneuriat
social en rejoignant le groupe SOS. Outre le
fait que cette association donne très vite des
responsabilités à des jeunes, j'ai été séduit
par sa capacité à innover et à imaginer de
nouvelles choses, tout le temps, au service de
l'impact social et environnemental. » Leader
dans le milieu de l'entrepreneuriat social, le
groupe SOS est un mastodonte du genre.
Il détient des entreprises, des associations,
des structures (qui agissent pour répondre
aux difficultés sociales et sociétales) et
emploie surtout quelque 22 000 salariés. Un
nombre conséquent, qui n'a rien à envier
à celui d'un grand groupe " classique " ,
comme l'appuie Sofiane Kherarfa. « Quand
une entreprise a des secteurs d'activité dans
l'agroalimentaire, le BTP ou l'automobile, nous
avons des " business units " , qui s'appellent
transition écologique, action territoriale,
solidarité, lutte contre la précarité... Tout ça,
ça m'a parlé. Et a priori, je ne suis pas le seul,
puisque la moyenne d'âge des dirigeants des
" business units " et cadres du groupe SOS,
c'est plutôt la trentaine. »
Depuis plusieurs années, on dénote en
effet une évolution des mentalités quant à
l'engagement associatif. Les trentenaires,
dont parle Sofiane Kherarfa, y voient en
effet la possibilité de se plonger dans une
branche où l'on peut à la fois faire carrière
tout en donnant « un sens » à ce que l'on fait.
« Je travaillais en agence de communication,
ESCP Alumni Magazine numéro 197 ❙ FÉVRIER 2022
et j'ai eu des enfants, ça revisite un certain
nombre de valeurs et de priorités », se rappelle
Laurence Michelena. « Après mon deuxième
enfant, je me suis engagée en pro bono avec
l'Adie », (une association qui défend l'idée
que chacun peut entreprendre, ndlr). « C'est
après mon troisième enfant que s'est posée
vraiment la question du sens et d'aller dans
une direction. » Pour Caroline Boudergue, la
question du sens dans sa carrière a toujours
été une nécessité. « J'ai besoin de comprendre
pourquoi je fais quelque chose », assure-t-elle.
« Chez moi, il faut que la finalité ait un sens,
que je donne du sens à ce que je fais. »
Fonder sa propre association selon
ses aspirations
Et parfois, la meilleure façon de donner
un sens à sa carrière est de créer sa
propre structure associative. Un poste
sur mesure, en quelque sorte, qui sert à
la fois sa recherche de sens personnelle,
mais aussi la recherche d'impact. C'est
ce qu'a fait Matthieu Dardaillon (14).
« Assez vite, pendant mon cursus à ESCP, mes
questionnements étaient : " comment je peux
être utile " et " comment je vais avoir un impact
positif dans ma vie professionnelle " », replacet-il.
« Ce sont deux livres, Vers un nouveau
capitalisme du professeur Yunus, et 80 hommes
pour changer le monde de Mathieu Leroux et
Sylvain Darnil, qui m'ont fait comprendre
que des entreprises pouvaient fonctionner
différemment et avoir un impact positif sur
la société et sur la planète. La découverte
de l'entrepreneuriat social, de l'économie
sociale et solidaire, ça a été une révélation
intellectuelle pour moi. » Fin 2012, Matthieu
Dardaillon participe à un évènement en
Inde, le Jagriti Yatra (qui signifie « Voyage
Eveil » en hindi). Le concept : 450 jeunes
montent dans un train et parcourent
8000 kilomètres en 15 jours. Ils y
découvrent des problématiques sociales ou
environnementales en allant sur le terrain,
puis rencontrent un acteur de changement,
qui a démarré de zéro et qui a désormais
un impact auprès de plusieurs millions de
personnes. « Ça m'a bouleversé, et je me suis
dit qu'il fallait importer le concept en France »,
explique Matthieu. « Et c'est comme ça que
j'ai co-fondé Ticket for Change, une association
qui valorise les carrières à impact et qui, en
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