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Culture ❙ Décryptage
délaissent les univers fantaisistes et colorés...
Mais dans ce cas, comment expliquer qu'une
vaste majorité des animés japonais à succès
s'adresse à un public adolescent et adulte ?
C'est là une erreur d'appréciation commise
par les diffuseurs publics : plutôt qu'essayer de
diversifier progressivement les tranches d'âge
auxquelles sont adressés les dessins animés, ils
ont concentré leurs efforts sur les productions
visant des publics de plus en plus jeunes.
Les chaînes privées, quant à elles, sont
confrontées à une autre problématique : leur
dépendance à la publicité les oblige à bouder
la tranche d'âge 15-25 ans réputée sans pouvoir
d'achat. Les producteurs américains ont
pu sortir de cette ornière grâce aux budgets
publicitaires du cinéma, de l'alcool et du tabac
donnant naissance à de nombreuses séries
adultes mais essentiellement sur le ton de la
tant elle a été décriée par les producteurs
locaux.
Cette efficacité est basée en premier lieu sur
le pouvoir énorme qui est laissé aux créateurs.
Mal payés en échange d'une indépendance
créative, la simple motivation de voir leurs
œuvres prendre vie les entraîne à travailler jour
et nuit pour rendre leurs dessins à temps.
Dès les années 1970, les premiers créatifs
commencent à fonder de nouveaux studios
indépendants pour laisser libre cours à leur
créativité. Petit à petit, les histoires deviennent
plus matures. Résultat ? En 1979, la série légendaire
Kidoo Senshi Gundam (Armure Mobile
Gundam) déferle sur le monde. Ses jouets se
vendent mal, mais ses maquettes trop difficiles
à monter pour des enfants tombent en rupture
de stock immédiate. C'est la révélation d'un
marché porteur pour les adolescents, insoupçonné
en Occident.
Le New Deal
Dans les années 1990 la VHS se démocratise
et l'animation japonaise dans toute sa diversité
devient accessible au public occidental.
Le public adolescent étant, par opposition au
public enfantin, capable de déterminer ce qu'il
veut voir, des jeunes entrepreneurs indépendants
passionnés fondent des sociétés (Kazé en
France, AD Vision aux USA, Dynamic en Italie)
et se lancent indépendamment des acteurs historiques
du milieu audiovisuel pour proposer
ce type de contenus à un public de plus en plus
nombreux. Le pari s'avère gagnant : l'animé
s'impose petit à petit comme un genre audiovisuel
suivi par des spectateurs prêts à débourser
de l'argent pour voir les programmes dont ils
rêvent par opposition à ceux qu'on leur propose
à la télévision.
Nombre de révolutions suivent celle-ci : l'exsatyre
(Rick and Morty, South Park...). Mais ni
l'Europe, ni les USA ne réussirent à créer un
écosystème de studios très créatifs capables
de traiter une diversité incroyable de sujets à
travers des séries animées. Ce pan de la production
mondiale est resté jusqu'à présent
l'apanage quasi-exclusif du Japon.
Pourquoi le Japon s'en tire ?
Le protectionnisme a entrainé une grande
erreur d'appréciation : personne ne s'est penché
sur les raisons de l'efficacité de l'animation
japonaise ni sur l'engouement qu'elle génère,
plosion de la home video, l'arrivée du DVD,
les sorties au cinéma puis la révolution de la
VOD achèvent d'installer l'animé japonais
au niveau mondial. Plus de 10 % de la programmation
de Netflix est désormais composée
d'animation japonaise, qui est l'une des
priorités stratégiques du géant. Sony Pictures
s'est forgé à coup de milliards de dollars une
position quasi-monopolistique en rachetant
des sociétés locales. Le jeu se fait désormais
à coups de centaines de millions et les droits
des séries se vendent le plus souvent pour le
monde à un seul interlocuteur, américain. La
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France et l'Europe, pourtant pionniers, sont
écartés d'un jeu dont l'accès au contenu est
désormais réservé à des majors concentrées sur
le streaming internet, dirigés par des équipes
américaines pour qui les spécificités des marchés
européens sont abstraites, et la manière
d'appréhender la culture japonaise est dictée
par des cadres à Hollywood.
Nous aurions pu voir arriver le changement
de paradigme. Nous aurions pu voir que la
vague de fans d'animation, qui le restaient à
l'âge adulte, était de plus en plus importante.
Nous aurions également pu nous dire avec l'arrivée
d'internet que ce n'était qu'une question
de temps avant que le public jadis honni des
15-25 ans ne devienne l'objet de l'attention de
tous les annonceurs. Et nous aurions finalement
pu écouter les jeunes animateurs inspirés
par l'animation japonaise pour commencer à
utiliser notre pôle d'excellence et prendre part
à sa diffusion à travers le monde. Nous aurions
même pu nous en inspirer pour nos créations
et pourquoi pas produire à leurs côtés.
Le protectionnisme et l'âge des décideurs du
vieux continent, notamment en France, en ont
décidé autrement. Reste à voir comment nous
serons capables, tardivement, de reconfigurer
ce pan d'excellence qu'est l'animation française
pour faire face aux défis de demain.
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Les conseils de Cédric
pour découvrir
l'animation japonaise :
Films
* Le Château dans le Ciel de
Hayao Miyazaki (Studio Ghibli)
* Le Tombeau des Lucioles de
Isao Takahata (Studio Ghibli)
* Summer Wars, Mamoru
Hosoda (Studio Chizu)
* Your Name, Makoto
Chinkai (Comixwave)
Quelques Séries
Cowboy Bebop, Les Chroniques
de la Guerre de Lodoss, Gundam,
L'Attaque des Titans...
Lectures
* Un Siècle d'Animation Japonaise,
par Matthieu Pinon & Philippe Bunel
* Encyclopédie de l'Animé,
par l'équipe d'Animeland
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