ESCP ALUMNI magazine - #196 - Hiver 2021 - 70

Culture ❙ Décryptage
Par Cédric Littardi
La grande victoire
de la japanimation
Depuis sa naissance en 1963, l'animation Japonaise est considérée comme un sous-produit.
Mais grâce à un travail de titan réalisé par des entrepreneurs internationaux, elle a acquis ses lettres
de noblesses jusqu'à redéfinir le panorama mondial de l'animation. Analyse d'un phénomène global,
en passe de hisser le Japon au rang de leader de la pop culture internationale.
où un nombre de chaînes faibles maintenait
un verrou sur les diffusions. Par la suite la mise
en place d'un système des quotas a rapidement
rendu très difficile leur exploitation (les
programmes étrangers, dits « hors-quotas »,
étant logiquement réservés aux productions
américaines très présentes depuis les accords
Blum-Byrnes).
Cédric LITTARDI (97)
fondateur d'Animeland, Kazé, @anime
La Japanime, c'est stupide et mal
animé...
Il y a 30 ans, avant même de finir le lycée, je
participais au lancement d'un petit fanzine
nommé Animeland, noir et blanc et dont le
premier était tiré à 500 exemplaires - qui existe
encore aujourd'hui.
Peu de temps après, à peine entré à l'école, je
commençais à essayer de rendre disponible
l'animation japonaise en France, me heurtant
dans cette entreprise à un grand nombre de
préjudices et murs infranchissables du monde
professionnel comme l'ethnocentrisme français
et la suffisance d'un pays qui se perçoit comme
leader culturel international (notamment dans
l'animation). En bref la France était loin d'être
en mesure d'accepter les avancées artistiques
venues du lointain orient.
Ces préjugés se trouvaient confortés par un
système protectionniste d'audiovisuel public
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La France aurait donc pu rester ignorante du
marché de l'animé et du manga si des « accords
franchouillards » avec des entrepreneurs bien
connectés dans l'audiovisuel public n'avaient
pas permis la diffusion de Goldorak. L'animé
s'apprêtait à exploser, même si les studios
japonais n'allaient en tirer aucun bénéfice économique
pendant très longtemps, le système
tenant sur des accords « amicaux » enrichissant
des sociétés françaises au détriment des créateurs
originaux.
Après le phénomène Goldorak, la France est
devenue culturellement le pays de l'animé et
du manga hors d'Asie, et aucune barrière n'a
permis d'entraver cet état de fait. Notre pays
aurait alors pu s'inspirer ces particularités nippones
pour prendre une position de leadership
sur le marché international. Malheureusement,
le protectionnisme très ancré en matière d'audiovisuel
allait en décider autrement.
L'évolution de l'animation française
et européenne
La France est l'un des plus gros producteurs
d'animation mondiaux grâce aux aides d'état,
aux obligations de production des chaînes et
aux quotas. Si ces systèmes ont admirablement
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préservé la compétence française, elles ont eu
un effet pervers que personne n'avait mesuré.
Pour amortir une série d'animation en Europe,
il est désormais nécessaire qu'elle s'adresse
à plusieurs territoires européens, c'est-à-dire
qu'elle satisfasse un grand nombre de diffuseurs
qui ont tous des usages et règles morales
de ce qui peut ou pas apparaître dans un dessin
animé. Plus ou moins contraignants, ces
impératifs s'amoncèlent d'autant plus que
les territoires de diffusion se multiplient. Or
la domination culturelle américaine a imposé
aux diffuseurs un prisme de valeurs puritain
qui a pu infantiliser l'animation. Pour beaucoup,
notamment ceux qui n'ont pas connu
l'influence de la japanime dans leur jeunesse,
tout dessin animé s'adresse par définition à un
public infantile. Il s'impose donc qu'il soit passé
à travers une moulinette de censure rigoureuse
le défaisant souvent de toute sa substance pour
arriver à une série comme on en voit beaucoup
actuellement, soit 24 épisodes dotés d'une
même trame répétitive, sans évolution des
personnages et très souvent sans intérêt pour
tout enfant âgé de plus de 8 ans. Pas question
ici de séries « feuilletonnantes ». Pas de tension
dramatique, potentiellement traumatisantes.
Pas d'actes dangereux reproductibles par les
enfants. Et ainsi de suite...
Résultat : l'analyse des audimats ne trompe
pas et les chaînes françaises constatent que les
enfants cessent de regarder l'animation de plus
en plus tôt pour passer aux séries en prises de
vues réelles. Elles attribuent ce phénomène à la
maturité nouvellement acquise des jeunes qui

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