ESCP ALUMNI magazine - #196 - Hiver 2021 - 27

Carrière ❙ Alumni of the year
repas en fonction de leurs goûts et leur culture ».
Aujourd'hui, Food Sweet Food est en mesure
de préparer 200 repas par jour, mais cette
capacité va bientôt être augmentée. « Nous
allons ouvrir un lieu dans le 14e arrondissement
de Paris, avec des cuisines et une salle de
restauration, où nous pourrons atteindre plus de
1000 repas par jour ».
a alors l'idée, via son association, d'organiser
des évènements et de lancer des programmes
au bénéfice des personnes réfugiées. Louis :
« Dans les médias, les discours à propos des
migrants étaient extrêmement misérabilistes, ils
étaient totalement déshumanisés. Alors qu'en
réalité, parmi ces gens qui fuyaient leur pays,
il y avait des personnes talentueuses, avec des
savoir-faire, des connaissances, des choses à offrir
à la France. »
Première pierre - et non des moindres - à
l'édifice : l'organisation d'un grand évènement
autour de cuisiniers réfugiés, baptisé le
Refugee Food Festival. Soutenue par l'Agence
des Nations Unies pour les réfugiés (HCR),
la première édition a lieu à Paris en juin 2016.
Le concept ? Des restaurateurs (onze pour
cette première mouture) confient les clefs
de leur cuisine à des chefs réfugiés, venus
de Syrie, d'Iran, d'Inde ou encore de Côte
d'Ivoire, modifiant pour l'occasion leur carte.
L'occasion de faire découvrir des gastronomies
parfois méconnues et de se servir de la cuisine
comme vecteur d'intégration, car celle-ci
« est universelle et créé un lien immédiat entre
les individus » assure Marine. Le succès, lui
aussi, est immédiat. « On ne s'attendait pas
à un tel engouement dès la première édition.
Dans les jours et les semaines qui ont suivi, on
recevait des appels de personnes, en France mais
aussi en Europe, qui nous disaient : " venez
le faire ici " . » Résultat, en 2017, le Refugee
Food Festival s'est tenu dans 12 villes, dont
Rome, Amsterdam, Athènes et Madrid, et
80 restaurants y ont pris part.
Formations et aide alimentaire
Cinq ans après la fondation de l'association,
le chemin parcouru par Louis et Marine est
tout simplement incroyable. Outre le Refugee
Food Festival qui en est à sa 5e
édition, et La
Résidence qui tourne à plein régime, l'asso
compte trois autres branches majeures,
toutes complémentaires, et axées sur le
social. La première est un service traiteur,
destiné à des entreprises, qui permet à des
cuisiniers réfugiés d'exprimer leur créativité
et de faire découvrir leur gastronomie. La
seconde, ce sont des formations en cuisine
qui ont pour but d'accompagner les réfugiés
en les formant aux métiers de commis de
cuisine (programme SESAME) et d'employé
de restauration collective (programme
TOURNESOL). « Ce sont des formations sur
six mois », détaille Marine . « Il y a bien sûr des
cours de cuisine, mais aussi des cours de français
à visée professionnelle. C'était très important
pour nous que ces personnes en réinsertion aient
aussi un bagage qui leur permette de connaître
les codes d'une cuisine ici en France. D'ici 2022,
nous aurons 280 personnes qui sortiront formées
et prêtes pour le marché du travail ».
La troisième, celle qui est amenée à
particulièrement se développer lors des
mois à venir, c'est l'aide alimentaire. Sur
un stand voisin de La Résidence, à Ground
Control, les cuisiniers du Refugee Food et
des bénévoles s'affairent à préparer des repas
pour les plus démunis, particulièrement
fragilisés par la pandémie de COVID-19. « Au
moment du premier confinement, de nombreuses
associations d'aide alimentaire ont été contraintes
de mettre entre parenthèses leur activité, mais
il y avait toujours autant de gens qui avaient
faim », replace Louis. « L'information est
remontée jusqu'à nous, et grâce à de nombreux
partenaires, nous avons pu confectionner des
repas en les adaptant aux réfugiés. Quand une
personne venant de Syrie reçoit comme repas un
camembert, il se peut qu'il ne 'comprenne' pas et
ne le mange pas. Nous avons donc constitué les
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Un modèle économique hybride
Demeure la question des financements
de ces multiples projets, puisqu'il s'agit de
couvrir des dépenses globales mais aussi
locales. Marine et Louis apportent des
explications sur ce qu'ils considèrent être « un
modèle économique hybride », se basant en
majeure partie sur le partenariat. « S'il fallait
résumer grossièrement, je dirais qu'un tiers
des financements vient de partenaires publics -
subventions -, un tiers de partenaires privés, et
un tiers de dons et d'autofinancement. » Louis et
Marine ont également dû ouvrir en 2018 une
SAS, dont tous les bénéfices sont reversés
à l'association, et emploient désormais
16 salariés (6 sur l'asso, 10 sur la SAS). Une
aventure qui a tout d'une success-story,
même si les deux fondateurs ont encore du
mal à se sentir « fiers » de tout ce qu'ils ont
accompli. « On est tellement plongés dedans qu'il
nous est difficile d'avoir du recul sur tout ça »,
admet Marine. « Mais quand on voit que des
personnes que l'on a aidées, comme Nabil Attar,
Magda Gegenava ou Mohammad Elkhaldy, ont
chacun ouvert un restaurant, oui, forcément, on se
dit que c'est une belle histoire. Et si on parvient à
faire évoluer les regards portés sur les personnes
réfugiées, là, ce sera une sacrée victoire ».
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