ESCP ALUMNI magazine - #196 - Hiver 2021 - 14

Dossier ❙ Coaching gagnant ?
C
'était « il y a presque dix ans », se
souvient Monique Cumin (88).
Après avoir effectué la plus grosse
partie de sa carrière dans une grande entreprise
de produits d'entretien et pharmaceutiques
et avoir été expatriée plusieurs
années en Angleterre, en Thaïlande ou
encore en République Tchèque, elle doit
faire face à une réorganisation dans sa boîte.
« Ils voulaient que je reparte à Londres, ce que
je ne souhaitais pas. » Pour trouver une solution
à ce blocage, Monique Cumin décide
de se reconvertir et de devenir coach : « Je
leur ai demandé de partir et de me financer ma
formation. »
Le coaching, l'ancienne directrice marketing
l'a d'abord découvert en tant que coachée,
quelque part au début des années 2000.
Monique Cumin occupait alors un poste
à Londres dans une équipe gérée par une
manager un brin avant-gardiste. « Elle était
assez ouverte à ses sujets et avait proposé
à toutes les personnes qui le voulaient un
coaching sur le sujet de notre choix », indiquet-elle.
« C'était vraiment un cadeau qu'elle
nous faisait, en disant ''je crois beaucoup
au coaching pour nous aider à nous
developper, donc réfléchissez à un point
de développement professionnel qui vous
semble important à travailler et je vous offre
quelques sessions de coaching.'' » Monique
Cumin suit donc un coaching consacré
aux thématiques entourant l'évolution de
carrière en jouant le jeu à fond :
« J'ai pris ça comme une super opportunité
d'ouvrir un espace avec quelqu'un de
bienveillant et d'externe et qui est là pour
nous aider à balayer un sujet, à ouvrir des
perspectives et à chercher des ressources
pour affronter des nouveaux challenges.
J'avais trouvé ça super, j'en avais pleinement
profité. » Presque deux décennies plus tard,
Monique Cumin est à a tête de son cabinet
de coaching et son ancienne entreprise fait
partie de ses clients.
Le choix du cœur, mais pas que
Le parcours de Monique Cumin illustre
un fait : le coaching est bien souvent
une histoire de reconversion. Ainsi, une
grande majorité de coachs ont d'abord
connu une première partie de carrière en
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entreprise avant de basculer vers cette
nouvelle activité. Raphaël Taurel (10)
explique ce phénomène par la nécessité
d'avoir engrangé de l'expérience avant de
pouvoir être crédible en tant que coach :
« Dans le monde du coaching executive,
donc en entreprise, des coachs de vingtdeux
ans, il n'y en a pas. Ce ne sont que des
gens expérimentés qui ont une expérience de
dirigeant eux- même. » Raphaël Taurel a luimême
dirigé une agence de publicité à New
York pendant quelques années. Désormais,
il coache des entrepreneurs qui ont lancé
des business en ligne et les aide à structurer
leur activité « pour qu'ils passent d'un format
un peu artisanal d'entrepreneuriat à quelque
chose de plus construit. » Et même s'il n'a
que 34 ans, son solide CV l'aide à obtenir
la validation de clients plus âgés. « Dans
mon cas, ça m'a vraiment été utile d'avoir une
expérience corporate. J'ai des clients qui ont
cinquante-cinq, soixante ans, mais qui me font
confiance. »
Mais qu'est-ce qui pousse des personnes
connaissant des carrières florissantes à tout
bazarder pour se lancer dans l'aventure du
coaching ? Pour Sophie Digard (02), qui
a officié comme DRH dans des grands
groupes pendant quinze ans avant de
devenir coach, il s'agissait avant tout d'une
question d'aspirations personnelles : « Ce
que j'appréciais vraiment dans ma première
carrière, c'était la partie développement des
collaborateurs, de voir les gens grandir, murir,
évoluer... J'ai fait un pas de côté et je me suis dit
que c'était ce qui me procurait le plus de plaisir.
Alors j'en ai fait mon métier. » Un discours
qui rejoint presqu'au mot près celui de
Raphaël Taurel, l'ancien publicitaire : « Ce
qui me plaisait dans mon ancien job, ce n'était
pas le monde de la pub qui a commencé à
me lasser. C'était vraiment le fait d'aider les
gens à exprimer leur potentiel professionnel à
travers des choix qui leur correspondaient. Cet
aspect humain, c'est là-dedans que je suis bon,
c'est ça qui me plait. Petit à petit je me suis
dit ''est-ce qu'il n'y aurait pas un métier qui
me permettrait d'accompagner des gens dans
leur carrière professionnelle pour les aider à
trouver du sens, à monter des business etc.''
Et l'idée du coaching est venue. » Avoir de
l'appétence pour les thématiques liées à
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l'évolution de l'humain dans l'entreprise
aide évidemment à franchir le cap. Mais la
liste des explications ne s'arrête pas là.
Maria Koutsovoulou, professeur à ESCP,
a observé ces changements de carrières.
Elle livre cette grille de lecture : « Je pense
que la migration vers le métier de coach ne
date pas d'aujourd'hui. Vers la cinquantaine,
plusieurs DRH ou des dirigeants vont être dans
une crise plus ou moins existentielle et vont se
poser la question de ce qu'ils vont devenir. Et
avec la crise du covid, il y a eu beaucoup de
questionnements à tous les niveaux. Certains
ont décidé d'entreprendre des reconversions. »
Pour beaucoup, le glissement vers le
coaching était une suite logique. « Ils ont
eu des fonctions qui les rapprochaient des
problématiques humaines et détiennent
un savoir qui leur permet d'accompagner
efficacement », poursuit Maria Koutsovoulou.
« Donc ils vont se diriger vers des formations
pour devenir coach. Je connais, je viens de ce
domaine-là, donc c'est une solution qui va
apparaître par facilité, même s'il peut aussi y
avoir un vrai tropisme pour cette activité. » La
preuve qu'un choix du cœur peut également
s'avérer être une décision rationnelle.
Pas quatre tours de stade tout
de suite
Comme pour n'importe quel métier, devenir
coach ne s'improvise pas. Le hic, c'est que
la profession reste très peu règlementée et
que les formations pullulent. Certaines sont
sérieuses et rigoureuses, d'autres moins.
Une dérive que Raphaël Taurel n'hésite
pas à pointer du doigt : « Le coaching est une
discipline très à la mode. Pas mal de gens se
mettent là-dedans et se déclarent coach après
avoir fait un weekend de formation. Vous
imaginez ce que j'en pense... » Sophie Digard
n'est pas beaucoup plus tendre : « Comme
n'importe qui peut se déclarer coach sans
avoir suivi de formation, on tombe vite dans
un excès de charlatanisme. C'est à l'entreprise
qui paye le coaching d'être sérieuse dans son
choix. » Au-delà de la formation, les coachs
présents sur le marché peuvent surtout
prouver qu'ils sont fiables en étant certifiés
par certains des organismes encadrant la
profession. L'ICF (International Coaching
Federation) par exemple, la plus grosse
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