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Carrière ❙ En Immersion
laquelle on peut créer des groupes autour d'un
thème. Nous sommes le Cercle littéraire de
la Cave.» Au programme, un bouquin par
mois au centre des échanges, et quelques
bonnes bouteilles en appoint pour irriguer les
gosiers et les esprits. Merveilleux, mais voilà
qui n'explique toujours pas comment une
diplômée du très prestigieux Technion - soit
plus ou moins l'équivalent de l'école polytechnique
en Israël - se retrouve à vendre
des crus finements choisis dans le 10e
arrondissement
de Paris, en dissertant à l'occasion
sur les mérites du dernier Houellebecq. « J'ai
toujours eu un rapport privilégié avec la France.
J'y ai vécu deux ans au début de ma vingtaine,
avant d'y revenir pour faire mon EMBA à ESCP
en 2001. » S'ensuivent toute une tripotée de
boulots, d'abord en Israël, puis dans l'Hexagone,
avant qu'une ultime expérience comme
gestionnaire de compte ne décide Ganit à
claquer la porte. « Mon dernier poste m'a tellement
dégoûté du monde du business que je
n'avais plus envie de m'y investir...J'ai arrêté de
bosser et je suis allée avec une amie, Emilie, au
salon du vin de la Loire. Ça m'a fait réaliser que
j'avais envie de travailler dans une filière qui me
passionnait vraiment. Il fallait saisir le moment
et opérer un changement. » Férue de bonnes
bouteilles, Ganit découvre alors pendant trois
ans les métiers du vin: « J'ai d'abord fait une
formation basique, puis je suis allé voir beaucoup
de vignerons. J'ai notamment fait une sorte de
stage chez l'un d'entre eux: j'étais à la cuverie
lors des vendanges pour comprendre précisément
comment ils travaillent. Après, j'ai bossé chez
des cavistes, simplement pour voir si la vente me
correspondait. Je ne suis pas commerçante dans
l'âme, mais, le cas échéant, oui, ça me branchait. »
" Houellebecq? Je pense qu'il y a
une certaine clairvoyance dans son
écriture. "
En 2016, elle ouvre Cultures Caves, un commerce
qui coule désormais autant de jours
heureux qu'il décuve de bonnes bouteilles. « Je
travaille beaucoup en fonction de l'affinité que j'ai
avec les gens. Je rencontre presque tous les vignerons
avec lesquels je travaille et je ne vais pas
vendre le vin d'un artisan avec qui le courant ne
passe pas. Le vin que je propose doit évidemment
me plaire, mais la personne qui produit le vin
aussi. » Difficile de séparer l'homme du viticulteur,
donc. Et l'homme de l'artiste ? Pas si
simple. La dégaine et les manières de Michel
Houellebecq n'emportent pas franchement
l'adhésion de Ganit, ce qui ne l'empêche pas
de trouver son compte dans les thématiques
parfois clivantes du lauréat du Goncourt
2010.« A un moment donné, Houellebecq a pas
mal cartonné au sein du cercle littéraire. On a
lu plusieurs de ses romans. Personnellement, je
pense qu'il y a une certaine clairvoyance dans
son écriture. Houellebecq, il pointe des aspects
assez moches de l'être humain. Ce n'est jamais
agréable de se voir rappeler qu'on n'est pas aussi
intelligent et civilisé qu'on aimerait le croire.
Soumission, pour moi, c'est par exemple un
livre provocateur, mais surtout provocateur de
réflexion. »
Le dernier né de l'auteur de Sérotonine, qui
verse dans le registre de l'anticipation, était
sans doute fait pour plaire à Ganit, qui en
pince particulièrement pour les histoires qui
dévient légèrement de notre réalité quotidienne:
« Un de mes auteurs préférés, c'est
Gabriel García Márquez. J'ai eu une phase où
je lisais beaucoup d'écrivains sud-américains,
qui avaient en commun une narration un peu
brumeuse et un univers assez mystérieux, entre
réalité et surréalisme. » Dernièrement, elle
a aussi pu s'oublier dans les dystopies de
Margaret Atwood, dont l'œuvre la plus iconique,
la Servante Écarlate, fait l'objet d'une
ESCP Alumni Magazine numéro 195 ❙ AUTOMNE 2021
adaptation sérielle par Netflix depuis plusieurs
années.« Mais en ce moment, c'est Kazuo
Ishiguro (prix nobel de littérature en 2017,
NDLR) qui à la côte au sein de notre groupe de
lecteurs anglophones. On est en train de lire son
dernier roman, Klara and the Sun. C'est encore
une histoire dystopique. Thématiquement, ça
me rappelle un autre de ses livres Never let me
go, sur des personnes qui ont été conçues pour
être donneurs d'organes ». Le cercle littéraire
de Ganit, lui, a été conçu pour rassembler
ses membres en chair et en os, mais a dû
s'adapter aux aléas sanitaire : « On n'a jamais
arrêté nos débats et réunions, y compris pendant
le confinement, même si on se retrouve via
Zoom. » Le temps de re-former en présentiel
son petit cercle des poètes disparus est désormais
venu. Une aubaine :« Je suis devenue amie
avec pas mal de gens grâce à ces réunions littéraires
en fait. On se trouve facilement des affinités
grâce à la littérature. » Grâce à un petit verre de
rouge aussi.
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Culture Caves, 29 ter Rue du Château
d'Eau, 75010 Paris
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