ESCP ALUMNI magazine - #195 - Automne 2021 - 18

Dossier ❙ Apprendre à apprendre
perspective de formation'' », précise-til.
Et si, ces dernières années, beaucoup
des changements structurels -voire
systémiques- qui ont touché le monde de
l'entreprise sont venus du tissu dynamique
des start ups, pour ce qui est de la formation,
ce sont les grands groupes qui ont servi de
locomotive. Les PME et les petites structures
ont ensuite bénéficié de ces avancées. JeanMarc
Tassetto explique le processus : « Au
départ, ce sont eux qui avaient la maturité de
réflexion sur les enjeux dont on parle. Mais
la formation digitale est aussi très accessible aux
PME, y compris en termes de coûts. Un patron
de PME qui a 50 collaborateurs a désormais
accès aux meilleurs cours possibles et au même
niveau de qualité de cours et de formation que
les grandes boites cotées du CAC40. » Avant de
se réjouir de cette évolution : « Je suis un peu
provocateur, mais il y a dix ans, les sujets de
formations n'étaient pas des sujets de direction
générale. Les sujets des DG, c'était la finance,
la vente... »
Lucien Dalioli, lui, insiste moins sur l'aspect
nouveau de cette réalité. Cela est sans
doute dû au fait qu'il a effectué l'essentiel
de sa carrière dans des compagnies ayant
toujours eu des procédures de formation
très développées telles que Gaz de France,
EDF ou encore Enedis, où il travaille
actuellement : « Les industries électriques
et gazières ce sont par nature des entreprises
techniques où les technologies changent, donc
c'est dans la culture de ces entreprises que les
gens soient formés très régulièrement. Vous
travaillez sur des choses pointues et il ne faut
pas faire n'importe quoi sur de l'électricité
ou du gaz. Vous avez une certaine excellence
professionnelle et il faut l'entretenir. Chez nous,
c'est naturel. C'est dans l'ADN de l'entreprise
depuis toujours. » Élément indispensable de
l'entretien et de l'évolution des compétences,
la formation pendant la vie professionnelle
est également un levier permettant d'attirer
des profils ambitieux dans les entreprises.
Lucien Dalioli vante à nouveau l'approche
des entreprises électriques et gazières dans
lesquelles il a travaillé : « On avait même des
écoles des métiers avec une formation interne
tout au long de la vie. Des gens commençaient
comme agent d'exécution, et par cette école
interne, ils pouvaient passer agent de maîtrise,
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voire cadre. Parfois, vous en aviez qui allaient
même jusqu'à cadres dirigeants en ayant
commencé au plus bas de l'échelle. C'était un
argument pour recruter les gens, leur promettre
cette progression. »
Offrir de la formation à ses employés
est donc devenu une façon de garantir
la compétitivité de son entreprise, d'attirer
les talents et de les retenir. « C'est comme
quand vous êtes footballeur et que vous entrez
dans un centre de formation », démarre
Jean-Marc Tassetto. « Est-ce que l'entreprise
va développer mon actif professionnel ? Avec
quelles modalités de formation ? La formation
dans le sens démonstration de la capacité à
développer un actif professionnel fait partie de
l'attractivité d'une entreprise. Dis-moi comment
tu vas me former, je te dirai si j'ai envie de te
rejoindre. » Développer une communauté
apprenante au sein d'une entreprise
permet également de gérer la question
des métiers en tension en requalifiant ses
collaborateurs. « En tant que chef d'entreprise,
au lieu de les virer et d'en recruter des
nouveaux, je vais faire évoluer leur champ de
compétences techniques et comportementales »
conclut Tassetto. Le win-win par excellence.
Oui au jeu, non à l'effet de mode
Le changement de paradigme peut-il
entraîner un changement de monde ?
En laissant vagabonder son imagination,
Fabienne Olivier tente l'anticipation : « Il y
a cette phrase de Robin Chase, la fondatrice de
Zipcar, qui disait ''Mon père a eu un job sur sa
vie entière, moi j'aurai six jobs sur ma vie, mes
enfants auront six jobs en même temps.'' Toute
la difficulté, c'est d'inventer un nouveau contrat
social. Parce que ces nouveaux travailleurs ont
envie de plus de liberté, de plus d'autonomie,
et ça va se faire en dehors du cadre du CDI
à vie. Il va falloir assumer des périodes
de transition, de chômage, de formation...
Les entreprises doivent absolument se pencher
sur la question. » Non-permanence rime
avec intermittence, certes. Mais ce format,
qui convient parfaitement à certains, peut
aussi mener à des formes de précarité.
Valérie Moatti ne le nie pas : « C'est légitime
de se poser la question. » Même si elle préfère
mettre en avant d'autres éléments :
« Se remettre en cause perpétuellement, c'est
plutôt positif, mais arrivé à un certain âge, il y
a des gens qui risquent de ne pas y arriver.
Ça demande énormément de temps, d'efforts.
C'est le bien- être plus que la précarité qui
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