ESCP ALUMNI magazine - #194 - Été 2021 - 37

Carrière ❙ La grande interview
Propos recueillis par Arthur Jeanne
Ysaora mène l'assaut
C'est l'une des principales chances de l'escrime française à Tokyo. Mais Ysaora Thibus (17) n'est pas
seulement une fleurettiste de grand talent, c'est aussi une femme engagée pour l'égalité hommes
femmes dans le sport. Notamment par le biais de son dernier projet Essentielles Stories. Rencontre.
une baisse de motivation, car tout était flou.
Les conditions d'entrainement n'étaient
pas optimales Les compétitions étaient
annulées les unes après les autres. C'est
vrai que dans ce contexte, il n'y avait pas
trop d'horizon.
Ysaora THIBUS (17)
fleurettiste
Comment a démarré ton histoire
avec l'escrime ?
Je viens de la Guadeloupe, j'ai commencé
l'escrime là-bas. Un jour j'ai accompagné
mon frère à l'entrainement et j'ai
absolument voulu essayer à mon tour. Je
venais de la danse classique qui est très
chorégraphiée, j'ai aimé le fait que cela soit
un sport de combat qu'il y ait une certaine
liberté d'expression. Et puis j'adore ce jeu,
ce duel entre deux personnes, l'incertitude,
le fait de devoir piéger l'adversaire. J'ai
toujours été hyper compétitrice, j'ai toujours
eu envie de battre l'autre.
Les jeux de Tokyo auront lieu un
an après un an après leur report,
comment avez‑vous vécu cette
période si spéciale ?
L'an passé à 3 mois des jeux, j'étais dans
une phase très intense de préparation. Et
tout d'un coup, patatras. C'est très difficile
car tout ce que j'avais mis en place sur
les 4 dernières années était pensé dans
l'optique des jeux. Il faut accepter de se
détacher de tout ce travail, lâcher prise en
sachant que c'est secondaire par rapport à la
situation mondiale. Mais il y a fatalement eu
ESCP Alumni Magazine numéro 194 ❙ ÉTÉ 2021
Dans ce cadre, la préparation
mentale est essentielle ?
Totalement, l'adaptation mentale à
la situation était essentielle. J'étais
accompagnée de ma psychologue Myriam
Salmi qui m'a beaucoup aidé. De manière
plus globale, je suis convaincue de
l'importance de la préparation mentale,
il faut entrainer son cerveau comme
l'on entraine ses muscles. Pour gérer la
pression, mais aussi trouver un équilibre
de vie qui permette d'être dans les
conditions optimales à l'entrainement et
en compétition. L'aspect mental s'entraine.
Je suis convaincue qu'on peut progresser
mentalement, il n'y a pas que l'aspect
tactique, technique ou physique.
Aujourd'hui vous sentez vous à
quelque mois de l'échéance ?
Je ne me sens pas exactement la même
athlète, ni la même femme. En un an, on
grandit. J'ai fait ma première compétition
depuis un an, fin mars à Doha, j'y ai obtenu
une médaille. Mais le plus important, c'était
retrouver des repères, des pistes de travail en
vue de ces Jeux Olympiques si particuliers.
Aujourd'hui, je me sens bien parce que j'ai
beaucoup bossé, malgré les circonstances.
Je vise la médaille à côté de laquelle j'étais
passée à côté à Rio (Elle avait fini 5ème).
Justement cette défaite en quarts de
finale que vous aviez‑vécu comme
un échec vous a aussi poussé à
revoir votre manière de travailler.
Que s'est‑il passé après les Jeux
Olympiques de Rio ?
J'ai quitté l'INSEP et changé ma manière de
travailler. L'idée c'est que j'avais besoin de
sortir de ma zone de confort. J'étais arrivée
à un stade où j'avais envie d'aller plus loin,
de découvrir autre chose dans mon sport,
de voir ce que j'étais capable de faire en
quittant le giron fédéral ou l'on est moins
autonome et tout est décidé pour nous. Je
devais prendre propres décisions pour moi
et ma carrière sportive. J'ai décidé de partir
aux Etats-Unis, créer ma propre structure.
Je suis devenue chef de mon propre projet
❙
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