ESCP ALUMNI magazine - #194 - Été 2021 - 26

Dossier ❙ La roue tourne
revanche, il est impossible de planter un
micro-ondes usagé dans la terre en espérant
qu'il donnera naissance à des grilles-pain.
Il faut donc trouver d'autres moyens de
valoriser ces objets industriels en fin de
vie. Marin Mulliez (15) a fondé No Filter
en 2017 et les jus qu'il produit sont faits
à partir de fruits et de légumes ayant été
écartés des circuits traditionnels de grande
distribution. Il juge que ces principes
peuvent très bien être appliqués à tous les
domaines : « Je ne vois pas le problème comme
étant plus compliqué, c'est juste des techniques
à mettre en place pour que logistiquement
ça fonctionne. Quand on parle d'économie
circulaire, c'est avant tout une problématique
logistique. C'est la même chose pour un microondes.
C'est la collecte des pièces détachées, c'est
la re-transformation en un autre produit, ou ça
peut être le recyclage. Il y a plein de solutions,
mais disons que la clé du problème est avant
tout logistique. Tant qu'on l'aborde de cette
façon là, on peut créer une économie circulaire
à peu près dans tous les secteurs. »
Pour aider les grands groupes à opérer leur
transition vers des modèles circulaires, les
cabinets de conseil s'organisent et créent
des postes spécifiquement destinés à
accompagner le mouvement. C'est à cette
tâche que s'attelle Tommaso Bulgarelli (20),
qui travaille à Milan pour PwC. Lucide, il
ne nie pas les difficultés structurelles que
peuvent rencontrer certaines entreprises.
« Quand vous êtes une start-up et que vous
fondez votre modèle sur les principes de
l'économie circulaire, c'est beaucoup plus
facile que pour une entreprise établie qui a
accumulé des processus non durables sur la
durée. », avant d'ajouter : « mais les gros
peuvent aussi s'y mettre. » Selon lui, la
transformation de l'ADN d'une entreprise
est une chose ardue, mais pas impossible :
« Je pense que la principale chose que doivent
faire les gros entrepreneurs, c'est sortir de leur
fonctionnement établi et adopter une pensée
systémique. Il faut connecter ces start-up qui
travaillent de façon durable avec les grandes
entreprises. Elles doivent servir de locomotive. »
Fondateur d'une start-up de ce genre, Marin
Mulliez renchérit : « Il faut partir du bas.
Les entreprises qui se créent aujourd'hui et
qui souhaitent faire bouger les lignes ont une
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responsabilité. Les grands ont forcément un
rôle à jouer, mais ça partira du bas. Ce sont les
petits qui vont montrer qu'un autre modèle est
possible. » Un travail de fond qui demande
du temps et de l'énergie et qui implique de
chambouler des mentalités et des pratiques
souvent profondément ancrées.
Conscient de cette réalité, Mulliez
refuse de vilipender inutilement les
mastodontes difficiles à manœuvrer : « Je
ne pointerai jamais du doigt les gros parce que
structurellement parlant, ce n'est pas possible
de leur demander de changer radicalement
leur modèle. Surtout quand on sait la pression
que mettent les actionnaires. » Une façon de
rappeler que Rome ne s'est pas faite en
un jour.
« C'est toujours du business ! »
Économie
circulaire appliquée aux
start-up, aux grandes entreprises, à l'agroalimentaire,
à l'industrie... Et même aux
services, comme le rappelle Alexis Figeac
en mentionnant la mobilité partagée :
« L'automobile privée est un bien d'équipement
qui ne tourne pas 90 % du temps. Dans
n'importe quelle industrie, on dirait ''Quoi ?
J'investis dans une machine qui ne tourne
pas 90 % du temps ? C'est complètement
absurde !'' C'est un capital immobilisé qui
ne sert à rien, qui ne crée aucune valeur. Le
car sharing, c'est l'utilisation sur demande
où n'est facturée que l'utilisation. Il y a un
win pour l'utilisateur et pour le producteur
qui peut avoir un produit qui est utilisé plus
que 10 % du temps, tout en maximisant son
revenu. » Alors comment accélérer ces
mutations ? Comment faire comprendre à
de gros industriels qu'intégrer des concepts
d'économie circulaire à leurs process, ce
n'est pas essayer de faire entrer un cercle
dans un carré ? L'arsenal va de la pédagogie
à la réglementation, en passant par la
sanction. « Évidemment, l'effort règlementaire
est essentiel dans toutes les transitions, estime
Tommaso Bulgarelli. C'est fondamental de
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