ESCP ALUMNI magazine - #193 - 1er trimestre 2021 - 76

Campus ❙ À la rencontre d'un étudiant

Elias Orphelin : « On me dit :
vos courbes m'aident
à comprendre la situation »
Depuis le premier confinement, Elias Orphelin, 22 ans, étudiant en dernière année de Master
à ESCP, s'est donné pour mission d'informer les gens sur l'épidémie de coronavirus en France.
Comment ? En compilant des données épidémiologiques sous forme de graphiques publiés sur
son compte Twitter et en concevant un calculateur de risque d'être en contact avec une personne
contaminée. Au point d'être reçu par Santé publique France.

Elias ORPHELIN
Étudiant

Sur Twitter, tu informes presque
au quotidien sur l'évolution de la
pandémie de coronavirus à travers
des graphiques. Pourquoi t'es-tu
lancé dans cette aventure ?
Depuis le collège j'aime les chiffres car j'ai
compris qu'ils pouvaient dire beaucoup de
choses. Avant la pandémie, je faisais déjà
beaucoup de graphiques ou de calculs
statistiques : sur les résultats de foot, sur
la politique, sur l'économie... D'ailleurs
dans ma formation en apprentissage chez
Siemens, je fais beaucoup de " Business
Intelligence " . Cela consiste entre autres à
représenter graphiquement des données
pour aider à prendre des décisions dans
l'entreprise. Etant donné que c'est quelque
chose que je sais faire et que j'aime faire,
quand au début de la pandémie je me suis
demandé " comment contribuer à l'effort
collectif " , je me suis dit que cela pouvait être
utile à la société.

❙

Concrètement comment cela a-t-il
commencé ?
La toute première fois où j'ai partagé un
graphique, c'était à la mi-mars 2020, au
début du premier confinement. À l'époque,
chaque agence régionale de santé (ARS)
publiait ses rapports et les données n'étaient
pas du tout structurées comme aujourd'hui.
Donc c'était un peu la chasse aux chiffres,
parce qu'il manquait le chiffre de la région
Île-de-France ou de telle autre région...
J'avais toutes les ARS à la suite dans la barre
des favoris de mon ordinateur. (rires)
Combien de temps demande
ce travail de recherche et de
compilation ?
Je dirais 2 ou 3h par jour, en moyenne.
Même si les données sont plus structurées
sur Santé publique France, cela ne prend
pas forcément moins de temps aujourd'hui.
Au départ, on n'avait que le nombre de cas
de contaminations et le nombre de morts.
Désormais, pour avoir une vue à 360 degrés
de l'épidémie, il faut regarder le nombre de
cas de contaminations, le nombre de tests, le
nombre d'entrées et de sorties de l'hôpital,
en réanimation... C'était déjà multifactoriel
avant, mais on n'avait pas accès à toutes ces
données.
Parmi tous ces indicateurs, quel
est le plus pertinent pour anticiper
l'évolution de l'épidémie, selon toi ?

ESCP Alumni Magazine numéro 193 ❙ 1er TRIMESTRE 2021

Celui que je suis le plus, ce sont les entrées
à l'hôpital. Cela me semble le plus parlant, car c'est un indicateur à la fois assez
précoce dans le stade de contamination et
aussi plus fiable que l'indicateur du nombre
de contaminations (qui dépend avant tout
du nombre de tests). Début septembre, ces
entrées à l'hôpital augmentaient, autour de
30 à 40% par semaine, mais à un niveau
très faible. Si bien qu'en valeur absolue,
ça n'augmentait pas beaucoup, mais si
on regardait de près, ça formait comme le
début d'une courbe exponentielle. C'est
tout l'enjeu du problème : on a du mal à
saisir la puissance de propagation du virus.
En quelques jours, il y a deux fois plus de
patients qui se retrouvent à l'hôpital. On est
débordé et on prend des mesures dans l'urgence... Mais depuis quelques semaines, on
parle d'un autre indicateur qui permettrait
de gagner des jours précieux.
Lequel ?
La concentration de SARS-Cov2 dans les
eaux usées. Si l'on retrouve davantage de
virus dans nos rejets des égouts, avant
même l'apparition des symptômes, on
pourrait savoir que le virus circule dans
la population de telle ville ou tel quartier. Aujourd'hui, c'est utilisé de manière
très locale. Par exemple, les pompiers de
Marseille font leurs propres analyses. Il y a
un réseau de chercheurs qui y travaille, mais
cela demande du temps. Fin novembre, j'ai

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