ESCP ALUMNI magazine - #193 - 1er trimestre 2021 - 38

Carrière ❙ En Immersion

Par Florian Lefèvre

« On sauve au moins
30 000 personnes par an »
Repousser les limites de l'action humanitaire en s'alliant avec des acteurs locaux, c'est l'ambition
d'ALIMA (The Alliance for International Medical Action). Un pari notamment porté par Augustin
Augier (03) et Guillaume Le Duc (03), colocataires à l'époque où ils étudiaient à ESCP.

dit-il. D'un point de vue professionnel, parce
qu'il m'a permis de développer les compétences
que je connaissais et que les questions sont
complexes, et aussi d'un point de vue humain,
parce que ce qu'on fait est quand même très
gratifiant, à la hauteur des difficultés et des
risques. »

Guillaume Le Duc (03)
Co-fondateur et directeur du
développement ALIMA

vant de se lancer dans l'humanitaire, Augustin AUGIER (03) travaillait à l'Assemblée natio-nale.
Il écrivait des discours, des propositions
de lois et des amendements en lien avec
la commission économique et financière.
Déçu par le fonctionnement parlementaire,
« qui est quand même un théâtre d'ombres, où
peu de choses se jouent », il part travailler en
2005 au Sud Soudan pour Médecins Sans
Frontières. Pas vraiment le même environne-ment de travail... Dans un cas, c'est
le palais Bourbon, dans l'autre, une cabane
au mi-lieu de pas grand-chose. Pas la même
vie, non plus. « En 2006 au Darfour, on habitait au milieu du camp, les routes autour de la
ville étaient sécurisées par des groupes armés,
se souvient t-il. On ne pouvait entrer ou sortir qu'en hélicoptère, ce qu'on faisait une fois
tous les trois mois. » Le jeune chef de projet a alors la responsabilité de faire tourner
des hôpitaux. Il lui arrive de s'asseoir à la
table des négociations avec des chefs de
guerre. « Très vite, j'ai compris que l'humanitaire, c'était un champ extrêmement intéressant,

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À cette période, Guillaume Le Duc (03),
lui, travaille à la communication de MSF,
au bureau de New-York. Bientôt, lui
aussi ira sur le terrain, en tant que chef
de projet opérationnel, au Niger et en
République Démocratique du Congo.
Voilà comment, quelques années après
avoir étudié ensemble à l'ESCP et vécu
en collocation à Paris, Augustin Augier
et Guillaume Le Duc se retrouvent en
mission en RDC, en live sur Sky News.
« C'était un moment où il y avait une reprise
des combats. On avait décidé de pousser
l'agenda médiatique de ce conflit », situe
le premier. Une dizaine d'années plus
tard, les deux anciens collocs travaillent
désormais ensemble au quotidien, toujours
dans la médecine humani-taire, à la tête
d'ALIMA, une ONG qui emploie plus
de 2000 personnes, opère dans 12 pays,
avec un budget de 80 millions d'euros en
2020. Augustin Augier en est le directeur
général et Guillaume Le Duc le directeur du
développement. Avec une dizaine d'anciens
de chez MSF, ils ont cofondé Alima en
2009. « C'est un projet très entrepreneurial.
Si on avait monté une start-up, cela aurait été
pareil. Sauf qu'on n'a pas d'actionnaire et que
notre objectif, c'est de sauver des vies », déclare
Guillaume Le Duc.

ESCP Alumni Magazine numéro 193 ❙ 1er TRIMESTRE 2021

Le siège et le corps social d'ALIMA
à Dakar
Pourquoi quitte-t-on un mastodonte de
36 000 salariés comme MSF, récompensé
du prix Nobel de la paix en 1999, pour
repartir de zéro ? Parce que la taille d'une
telle ONG implique son lot de blocages, de
difficultés, de politiques internes... « Moi,
à 30 ans, j'avais envie de plus de libertés
et de réellement pouvoir inventer la solution
à un problème donné», éclaire Augustin
Augier. Il y a les limites perçues en terme
de volume des besoins humanitaires, de
recherche innovation et de gouvernance.
« Les grosses ONG sont souvent créées
et basées à Paris, Genève ou New-York... très
au Nord, en général. Chez MSF, on voyait que
beaucoup de nos collègues africains n'avaient
pas suffisamment d'opportunités », témoigne
Guillaume Le Duc. Ainsi, si ALIMA a des
bureaux à Paris et New-York, le siège et le
corps social sont à Dakar. « 85 % des cadres
sont africains. On a localisé ALIMA sur le
continent », complète Augustin Augier.
En mai 2009, inventer un nouveau modèle
de la médecine humanitaire peut sembler
un pari fou. « Quand tu es à MSF, sur le
terrain, tout le monde te connaît et te répond
au téléphone. Et quand tu veux faire la même
chose avec les mêmes compétences, mais que
tu as changé de nom, là, tout à coup, les gens
te disent : " on vous rappellera plus tard " ... »,
rembobine Guillaume Le Duc. La première
mission d'ALIMA ouvre au Niger, l'un
des pays les plus pauvres du monde, où
la mortalité frappe durement les enfants
de moins de cinq ans et les femmes

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