ESCP ALUMNI magazine - #193 - 1er trimestre 2021 - 30

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Par Stéphane Distinguin (97), Président de l'association ESCP Alumni, CEO de Fabernovel

Un jour sans fin

Stéphane DISTINGUIN (97)
Président ESCP Alumni et CEO Fabernovel

l y a deux phrases que j'ai répétées comme des mantras tout
au long de ces derniers mois.
La première, c'est que quand on ne peut pas avoir de certitudes, il faut avoir des convictions.
Je n'ai malheureusement pas besoin d'insister et d'expliquer ce
sentiment de naviguer à vue depuis mars. Un sentiment qui n'a
été qu'en amplifiant pour une raison simple : nous avons tous été
soumis aux mêmes décisions, au même accablement au printemps.
En cela, la crise sanitaire a été un accélérateur hallucinant de nouveaux usages, une autre façon de dire que nous nous sommes tous
retrouvés dans une situation identique. D'ailleurs, je dois reconnaître ici que j'ai saisi la gravité de la situation et l'inéluctabilité du
confinement total en recevant un message de Franck Bournois, le
directeur général d'ESCP, nous annonçant la fermeture du campus
de Turin dix jours avant que ce soit le cas en France. Mais depuis, le
monde s'est fragmenté : pas un individu n'a vécu le confinement de
la même façon, pas une organisation n'aura traversé cette période
en prenant les mêmes décisions.
Et il était bien plus facile d'anticiper les décisions du gouvernement et leur application en mars que près d'un an plus tard... Je
n'accable certainement pas, je partage mon exercice de chef d'entreprise. A défaut d'anticipation, une de mes convictions que j'ai
mise en pratique justement, concerne la confiance, devenue encore
plus critique dans la crise. Cela peut sembler anodin mais pendant
tout le confinement, j'ai commencé chaque journée en publiant
un message pour toute l'entreprise, en changeant de photo de
profil, comme un clin d'oeil à la situation et nos humeurs, du Bill
Murray d'Un jour sans fin à Bernard Hinault dans une épreuve de
montagne. J'ai cherché à garder le lien, autrement, montrer que
j'étais là, pour tous et chacun, certes différemment mais avec encore
plus d'engagement.

conviction c'est de la témérité. Et puis, dans cette époque troublée,
les convictions, on peut en parler, en discuter, ne pas les partager...
et se convaincre. Exercice de moins en moins évident mais essentiel
pour se réaligner, en tant que dirigeants, avec nos équipes. Aussi,
on a aussi le droit de changer de convictions. Par exemple, au cours
de cette crise mes convictions sur l'organisation du travail, et le
télétravail en particulier ont changé. Je suis désormais convaincu de
l'utilité et de la productivité du travail « à distance », a fortiori quand
il est bien articulé avec celui en présence, qui reste souhaitable,
surtout quand il s'agit de créer plutôt que d'accomplir ce qu'on
maîtrise déjà.
Je vous conseille ce qui pour moi est un article important de la fin
d'année 2020 dans le New York Times, The 2010s Were the End of
Normal, qui dit, je me permets de ne pas traduire pour vous : The
biggest casualty of the decade was trust. According to a Pew survey
earlier this year, only 17 percent of Americans trust the government
to do what is right " most of the time " or " just about always " .
On remet en cause, à raison, souvent, et à tort, trop souvent, aussi,
c'est extrêmement difficile de créer du consensus et un combat
permanent d'être exemplaire. Je considère que dans la crise, c'est
précisément ce à quoi doit s'engager un dirigeant : emmener ses
équipes vers un objectif commun, rester exemplaire.
Mon autre mantra, c'est never let a good crisis go to waste, prêté
à Churchill comme on prête à Confucius ou Talleyrand et donc
sans doute apocryphe, mais il exprime bien que plutôt qu'attendre
la lumière au bout du tunnel, et comme disait ma grand-mère
(on a tous une grand-mère qui est le Churchill de la famille) « à
quelque chose malheur est bon » : il faut trouver son anti-fragilité
pour reprendre le concept de Nassim Nicholas Taleb, qui n'est pas
la fameuse résilience mais mieux, la meilleure version de soi-même,
après la crise.
Il faut le trouver ce quelque chose, s'y accrocher, parce que
je suis convaincu que c'est là que nous trouverons nos nouvelles certitudes
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A défaut de certitude, la conviction est le fruit de l'expérience et
de la réflexion. Elle a en outre la qualité de nous projeter vers le
futur. Elle est aussi le meilleur vecteur du courage. Le courage sans

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