ESCP ALUMNI magazine - #193 - 1er trimestre 2021 - 21

Dossier  ❙  Vivre dans un monde incertain

longtemps par des employés militant
pour des alternatives, à commencer par le
télétravail. La pandémie leur a offert une
expérience grandeur nature et  a permis
de faire voler en éclats les certitudes de
quelques managers réfractaires. Philippe
Gabiliet  applaudit ce cours accéléré  :
« 2020 a été dans les entreprises un moment
d'apprentissage collectif incroyable. Alors en
trainant les pieds, d'accord, mais quand on
voit la vitesse à laquelle les acteurs sont passés
au travail à distance et à la digitalisation...
Aucun plan national de formation n'aurait pu
faire en sorte qu'en moins d'un an, la majorité
des professionnels du pays soient à l'aise avec
Zoom, Teams etc. »

il faut revérifier mille fois ce qu'on fait, donc
c'est assez sport. » La haute fonction publique,
elle, doit se prêter à un exercice tout aussi
périlleux. Et depuis que le Conseil des
ministres l'a nommé Haut-commissaire,
Thibault Guilluy s'évertue à adapter des
modalités de protection des entreprises
et des emplois qui n'ont jamais été prévues
pour affronter un tel nombre de demandes.
Son constat est lapidaire : « Si vous appliquez
les règles, vous êtes morts. » Guilluy poursuit :
« Il faut aller très vite pour changer des règles
très importantes. Il faut à la fois donner du
sens à l'action de court terme, mais s'assurer
qu'on n'est pas en train de tricoter des choses

Céline GALLON (09)
Chief People
Officer - Qobuz

qu'on va passer notre temps à détricoter
ensuite. Gérer l'incertitude, ça suppose d'être
beaucoup plus agile, beaucoup plus dans le droit
à l'erreur, ce qui est quand même à rebours du
fonctionnement de l'État. On est encore dans
la planification avec toutes les rigidités et les
bureaucraties qui vont avec. » Et pour ceux
qui voient le verre à moitié plein, les crises
sont aussi un moyen de bousculer quelques
vieilles habitudes.
Cours accéléré
Symbole pour beaucoup de l'absence de
souplesse du monde du travail, la présence
obligatoire au bureau est combattue depuis

Nour HENEINE (18)
Private Partnership Officer Solidarités International

Des scènes auxquelles Céline Gallon a
assisté chez Qobuz : « Le télétravail était
demandé et la direction freinait un petit peu.
Là, ils ont été obligés de le mettre en œuvre
et ça a été adopté parce que c'était attendu, tout
simplement. » Mais en tant que dirigeant,
Camy Puech émet quelques réserves. Sans
être foncièrement opposé à l'idée, il en
souligne les limites et a constaté que certains
de ses employés avaient besoin du cadre
qu'offre le bureau. « On est dans une période
où la charge de travail est très, très forte pour
notre organisation, et certains collaborateurs ont
compensé par une augmentation de leur temps
de travail plutôt que par une réorganisation de
leur manière de traiter les sujets. La capacité
d'organisation des individus est très inégale. »
Avant de conclure : « Le télétravail, je ne le
voulais pas à temps plein. Je pense que c'est
important de se voir et  je n'ai pas changé
d'avis. » Voilà une chose dont il est certain.❙

Camy PUECH (17)
CEO - QualySocial

ESCP Alumni Magazine numéro 193  ❙  1er TRIMESTRE 2021

Thibaut GUILLUY (99)
Haut commissaire à l'emploi et à
l'engagement des entreprises Ministère du travail

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