ESCP ALUMNI MAGAZINE - #192 - NOVEMBRE/DÉCEMBRE 2020 - 19

DOSSIER ❙ Décider, c'est gagné ?

« La prise de décision n'est pas une science exacte :
il est possible de prendre une mauvaise décision mais
d'obtenir de bons résultats. »

vers son pays d'origine afin de les
rapatrier ensuite plus facilement et plus
vite vers la France : « C'était une décision
pragmatique et rapide, construite en
opportunité grâce à l'expertise de plusieurs
services du Quai d'Orsay localement et à
Paris, à la parfaite coopération avec nos
forces armées. Une décision par laquelle nous
aidions un pays ami, tout en soulageant plus
rapidement la situation de nos compatriotes
sur place » détaille Antoine, marqué au
fer blanc par cette journée ou tout est
allé très vite.

Antoine STARCKY (10)
Conseiller politique au Ministère
de l'Europe et des Affaires étrangères

plus rapide, mais nécessite la mise en
place d'un suivi régulier. « Il faut suivre
les résultats obtenus pour s'inscrire dans
une démarche d'amélioration continue.
La prise de décision n'est pas une science
exacte : on peut prendre une bonne décision,
mais ne pas avoir les résultats escomptés.
Tout comme, il est possible de prendre
une mauvaise décision, mais d'obtenir de
bons résultats. Le facteur chance est aussi
un facteur déterminant », estime Nicolas
d'AUDIFFRET.

Décisions rationnelles
et raison du cœur

même que les décideurs n'aient pas le
luxe d'avoir du temps pour bien analyser
tous les éléments affectant une décision.
Dans les contextes de crise, par exemple,
il faut aller vite, prendre des décisions
rapides. Faire preuve de réactivité
et d'agilité. Antoine STARCKY (10)
connaît bien « Un dimanche matin tôt,
j'assiste un collègue permanent du centre de
crise à la cellule de crise ouverte suite à de
graves troubles dans un pays subsaharien.
Le gouvernement est tombé, la panique est
générale, la violence libérée et les exactions se
multiplient. Les nombreux expatriés français
et européens sont rapatriés par des militaires
français. Le téléphone sonne un énième fois.
Un officier français sur place nous demande
d'arbitrer la requête d'une personnalité
d'un pays voisin et son entourage qui sollicite
d'entrer devant la porte du camp militaire
français pour se mettre sous protection
française ». Dans ce genre de contexte, les
décisions peuvent littéralement aboutir
à des questions de vie ou de mort. Et il
faut arbitrer vite, un cas qui échappe au
cadre de la mission de rapatriement des
ressortissants français et européens alors
que les capacités d'accueil sont limitées.
Après discussion, il est décidé en accord
avec la personnalité concernée et le
centre de crise, d'accepter sa demande
contre l'évacuation de plusieurs dizaines
de ressortissants français par son avion,

Pour Nicolas d'AUDIFFRET (03),
entrepreneur et co-fondateur de A
Little Market, qui a depuis été revendu
à l'américain Etsy, la décision la plus
structurante de sa vie professionnelle
reste la création de sa start-up. « Je
considère qu'il y a deux grands types de
décisions. Les plus faciles sont celles pour
lesquelles on dispose de chiffres, de données,
d'informations qu'on analyse et à partir
desquels on émet des hypothèses. À partir de
là, on retient l'option qui va nous permettre
d'atteindre notre but », raconte-t-il avant
de poursuivre, « puis il y a les autres
décisions. Celles qui doivent être prises
avec le cœur et pour lesquelles on a besoin
de plus de temps pour réfléchir et échanger
avec d'autres ».
Dans son processus de prise de décision,
Nicolas s'appuie également sur d'autres
éléments : le niveau de criticité de
la décision à prendre et si elle est
irréversible ou non. « Pour des décisions
importantes et irréversibles, comme lors
de la vente de notre entreprise, j'ai pris
mon temps, j'ai analysé les données en
lien avec cette opération, j'ai cherché des
avis extérieurs et des retours d'expérience.
Le processus a été long et structuré. En effet,
on ne vend pas tous les jours la société qu'on
a créée ! » Sur des décisions de moindre
importance et réversible, le processus est

Nicolas d'AUDIFFRET (03)
co-fondateur de A Little Market

Une demi-décision,
c'est le bordel au carré
Michel DE ROVIRA (97) , co-fondateur
de Michel & Augustin, quant à lui,
n'aime pas faire dans la demi-mesure.
« Je me retrouve dans les paroles de
Olivier Bas, Vice-Président Havas Paris
et conférencier, quand il dit qu'une demidécision, c'est le bordel au carré », raconte
l'entrepreneur. Alexandre PEBEREAU
ne dira pas le contraire. Il a souffert
dans sa carrière des conséquences de
ce qu'il appelle, des décisions « pas
claires ». « Une décision pas claire, c'est par
exemple recruter une personne dont on n'est
pas totalement convaincu. Et très vite on
réalise que l'on avait raison... Ce sont des
décisions lourdes qui n'engagent pas que
soi, mais une personne, une équipe. Et ce
sont des décisions difficilement réversibles.
Je peux vivre avec pendant 6 mois ou un an

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