Arts&MétiersMag - N°415 - Février 2020 - 60

Histoire&Patrimoine

COLLECTION BIBLIOTHÈQUE GEORGES-POMPIDOU DE CHÂLONS-EN-CHAMPAGNE

Mémoire de Gadzarts

Les morts de Châlons

Les faits plaident
pour l'épidémie
Après avoir, dans notre numéro d'octobre 2019 (1), prouvé que le
transfert pédestre des 460 élèves de l'école impériale d'Arts et
Métiers de Compiègne à Châlons en décembre 1806 n'avait entraîné aucune victime, les recherches entreprises par la Fondation
en 2018 et 2019 permettent aujourd'hui de conforter, sur la base
de faits précis, l'hypothèse d'une épidémie survenue à Châlons
au second semestre 1807.

N

os sources, toutes concordantes (2), en apportent les
preuves : s'il y a eu des décès d'élèves à Châlons, ce ne fut
pas pendant leur transfert de Compiègne à Châlons en
décembre 1806, comme le voudrait une légende tenace,
mais bien plus tard. Sur un effectif d'environ 460 élèves, le premier
décès survient le 6 juillet 1807, soit plus de six mois après l'ouverture
de l'École. Au total, durant le second semestre 1807, 15 élèves sont
morts, dont plus de la moitié (9) durant le seul mois de septembre (voir
 Lire AMMag d'octobre 2019, p. 46.
 Dossiers F12/1190/91/92 et 1198 B et C conservés aux Archives nationales ; le
registre des élèves 1T 2260, aux Archives de la Marne à Châlons ; les lettres du Duc,
dossier MS 1422, à la Bibliothèque municipale de Châlons ; les registres des décès
des années 1807, 1808 et 1809 de l'état-civil de la ville de Châlons.

(1)
(2)

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Ce plan de Châlons
datant de 1755 montre la
configuration des lieux avant
l'installation de l'École d'Arts et
Métiers en 1806. Celle-ci a pris place
dans les bâtiments de l'ancien grand
séminaire, qui logera les élèves, et de
l'ancien couvent des Dames régentes qui
abritera les ateliers en raison de sa
proximité avec l'eau du Nau.
L'environnement immédiat insalubre,
favorisé par ce canal intérieur relié à la
Marne et non entretenu, auquel
s'ajoutent les fortes chaleurs de la
fin de l'été 1807 offrent alors un
boulevard à la diffusion des
épidémies.

également la liste des morts page ci-contre). Dans la même période, la
vieille maison qui sert d'infirmerie à l'École est saturée. Le couple
d'infirmiers titulaires qui en a la charge tombe rapidement malade et
les remplaçants sont vite dépassés. Plus de 80 malades s'y entassent en
juillet-août. La place manque si bien qu'un petit dortoir est converti en
infirmerie complémentaire.

Un taux de mortalité exceptionnel

Au cours de ces six mois, quasiment tout l'effectif de l'École est touché,
avec une pointe de 133 malades en septembre (soit 30 % des élèves !).
Ce chiffre redescend ensuite progressivement et se stabilise à environ
25-30 malades en fin d'année. En 1808, 6 autres élèves décèdent, puis
5 autres encore en 1809 (voir liste). À noter que l'on constate aussi la
mort de deux membres du corps enseignant : en novembre 1807, celle
de Jean Crelot, maître cordonnier ; puis, le 2 février 1808, de Joseph
Louis, professeur de grammaire.
Mais ce pic de mortalité n'est pas spécifique de l'École. L'examen des
registres de l'État civil de la ville de Châlons, qui compte alors 11 000 habitants, indique en effet que de 50 décès en moyenne par mois, on passe
à 100 en septembre 1807, ce qui semble confirmer l'hypothèse d'une
épidémie. On s'en inquiète d'ailleurs en haut lieu. En réponse à une
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