Arts&MétiersMag - N°412 - Octobre 2019 - 47

ŒUVRES DR

Prise d'armes à
Châlons. Le proviseur de
l'École Joseph Labâte,
nommé par Chaptal en 1803,
est représenté ici donnant ses
consignes aux élèves.
Gravure tirée de l'ouvrage
«les Écoliers de Châlons»
par Eugène Muller (1884).

BIBLIOTHÈQUE NATIONALE DE FRANCE

le 14 juillet suivant, les «Réflexions de M. le duc de La Rochefoucauld-Liancourt sur la translation à Toulouse de
l'École royale d'Arts et Métiers de Châlons», opuscule largement diffusé par un Duc en colère, sont un véritable réquisitoire
contre cette décision et le pouvoir. On peut en effet y lire ceci : «Nous
avons souvenir que, lors de la translation de l'École de Compiègne à
Châlons, la précipitation avec laquelle le gouvernement d'alors a voulu faire occuper le nouvel établissement a occasionné une épidémie qui
a atteint presque tous les élèves, et dans laquelle vingt-huit ont succombé.» L'argument se voulait dissuasif.
Les souvenirs du Duc, dix-sept ans après les faits, apparaissent cependant plus nuancés que les interprétations ultérieures de certains auteurs

La place de l'Hôtel de ville de Châlons-sur-Marne, une œuvre de
Jean-Baptiste Lallemand.

cités plus haut, qui attribuent au trajet de Compiègne à
Châlons, la cause du décès de 28 élèves pendant le voyage
ou peu de temps après.
Depuis longtemps, des gadzarts historiens contestent la relation
directe entre le déplacement de l'École en décembre 1806 et les 28 décès rappelés par le Duc en 1823, à l'instar d'Alexandre Rachet (An. 1899)
dans un document de 1959. Dans le doute, cet «épisode dramatique»
n'a d'ailleurs pas été rappelé dans notre «Livre d'or».

Les archives parlent

Aujourd'hui, de nouvelles sources historiques permettent de rouvrir
ce dossier. Dans le cadre des recherches entreprises par la Fondation
en 2018 et 2019 aux Archives nationales de Pierrefitte-sur-Seine (SeineSaint-Denis), des éléments jusque-là non exploités permettent de
conclure sans ambiguïté que le voyage Compiègne-Châlons de décembre 1806 ne peut être à l'origine d'aucun des 28 décès.
En effet, le dossier F12/1192 classé aux Archives nationales relatif à
l'«État des situations des élèves de l'École d'Arts et Métiers de Compiègne et Châlons de 1806 à 1809» donne l'état mensuel du nombre
d'élèves. Le dernier tableau établi pour Compiègne début décembre 1806 dénombre 460 élèves, tout comme le premier rédigé pour
Châlons fin décembre 1806 : autrement dit, aucune perte (ni décès)
d'élève n'est constatée lors du trajet, ni même lors du premier semestre
1807. Cette conclusion est corroborée par les dossiers F12 1198 B et
C se rapportant aux «États nominatifs, professeurs et élèves An XI1812». Ces trois dossiers permettent maintenant de connaître l'état
des malades et des décès au sein de l'École, différents certificats >>>
(1)

Lire aussi AMMag de février 2018, p. 61 ; et de novembre 2018, p. 66.

Octobre 2019 - Arts&MétiersMag - 47

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