Repères - n°30 / Juillet 2016 - Le magazine de l’Institut de radioprotection et de sûreté nucléaire - 8

FAITS & PERSPECTIVES 3 questions à... Jean-René Jourdain Spécialiste de la radioprotection de l'homme à l'IRSN Quels sont les objectifs du projet Priodac ? En cas de rejet nucléaire, la prise de comprimés d'iode stable permet de saturer la thyroïde et d'éviter l'incorporation d'iode radioactif, qui peut entraîner des cancers de la thyroïde. Priodac - Prophylaxie répétée par l'iode stable en situation accidentelle - étudie les modalités et les éventuels effets secondaires de prises répétées de tels comprimés. Au-delà de l'impact radiologique, il faut analyser les conséquences psychosociales et sanitaires liées aux déplacements des populations. lll Chez les personnes évacuées, 1 979 décès indirects AILLEURS Pourquoi une telle étude ? L'accident de Fukushima a montré que les rejets pouvaient être répétés ou prolongés. Serait-il pertinent de prévoir plusieurs prises et, si oui, dans quelles conditions ? Priodac permettra de le savoir. Où en est cette étude aujourd'hui ? Les travaux sur le rat adulte sont presque achevés. Les études vont se poursuivre IRSN Selon l'IRSN, environ 210 000 personnes ont été évacuées des 1 800 km2 contaminés. Les premiers bilans de santé annuels ont permis de constater des prises de poids, une hausse des hypertensions, des diabètes et des problèmes hépatiques. Un changement dans les habitudes alimentaires lié à des logements précaires et une surconsommation d'alcool liée au stress pourraient expliquer ces phénomènes. Depuis, on constate un retour progressif à la normale. Les plus de 65 ans enregistrent une recrudescence des insuffisances rénales : 9,9 % en 2015, contre 7,6 % en 2011. L'État japonais a reconnu 1 979 décès indirects : suicides et maladies chroniques, aggravées par le stress chez les plus âgés. Jean-René Jourdain, spécialiste de la radioprotection de l'homme, précise "qu'un accord de collaboration entre l'Université médicale de Fukushima et l'IRSN pourrait être finalisé avant fin 2016. Objectif : les aider à interpréter les informations issues des études épidémiologiques pour déterminer la meilleure posologie chez les humains : les nourrissons, les enfants, les femmes enceintes... Le projet doit se terminer en février 2019 avec pour objectif final une modification de l'actuelle autorisation de mise sur le marché des comprimés d'iode stable et l'édition de nouvelles recommandations. Dès juin de cette année, nous devrions pouvoir déterminer des doses et des durées de traitement maximales pour ces différentes catégories de population. et à présenter leurs résultats à la communauté internationale." Améliorer la gestion post-accidentelle En février dernier, l'Institut a souligné "qu'il fait le choix d'examiner les accidents nucléaires de Tchernobyl et de Fukushima à travers une optique large, qui dépasse la seule question de la radioprotection, afin d'en tirer le meilleur parti pour avancer sur la gestion post-accidentelle. Proposer, en cas d'accident, des mesures propres à rétablir la sécurité fait partie de nos missions réglementaires. Depuis Fukushima, s'est ajoutée celle de permettre à la population de comprendre ces mesures en cas d'accident nucléaire." n www Pour en savoir plus l Fukushima et la sûreté : www.irsn.fr/R28 l Fukushima et l'environnement : www.irsn.fr/R29 l L'impact sur la santé de Fukushima-Daiichi : www.irsn.fr/ fukushima-2016-sante À voir sur le webmagazine l Vivre après Fukushima Tchernobyl, une hausse majeure des cancers Noak/Le Bar Floréal/IRSN J Au total, 6 848 cancers thyroïdiens de l'enfant ont été diagnostiqués jusqu'en 2006 et 15 décès sont à déplorer de 1990 à 2006 (Source : rapport Unscear* 2008). 8 I Repères N°30 I Juillet 2016 usqu'à 60 cas par an ont été observés en Biélorussie après l'accident de Tchernobyl (Ukraine) - soit une multiplication par 10 du nombre de cancers de la thyroïde. Ces pathologies ont touché les enfants de 0 à 14 ans, en particulier les moins de 4 ans et dans les quatre à cinq années après la catastrophe. À Tchernobyl, des étendues plus vastes que celles de Fukushima ont été contaminées par des rejets dix à vingt fois supérieurs. "Les conséquences radiologiques d'un accident ne sont pas seulement proportionnelles aux rejets, précise Philippe Renaud, expert en radioprotection à l'IRSN. Au Japon, des facteurs fortement atténuants ont pesé au moins autant que l'écart de rejets avec Tchernobyl dans la différence entre les doses à la thyroïde." Les Ukrainiens étaient plus carencés en iode - comparativement aux Japonais, qui consomment beaucoup de produits de la mer. L'iode radioactif se fixe plus facilement dans leur glande. Autres facteurs atténuants au Japon : l'essentiel des rejets dispersés sur le Pacifique, seuls quelques légumes fortement contaminés en raison de la date précoce de l'accident, la pratique de l'importation de fourrages qui a conduit à une très faible contamination du lait et les interdictions de consommation. n * United Nations Scientific Committee on the Effects of Atomic Radiation http://www.nxtbook.fr/newpress/specifique/IRSN/Reperes-1602_28/index.php http://www.nxtbook.fr/newpress/specifique/Reperes-1604_29/index.php http://www.irsn.fr/fukushima-2016-sante

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