Repères - N°36 / Janvier 2018 - Le magazine de l’Institut de radioprotection et de sûreté nucléaire - 12

doSSIeR

Un compensateur est utilisé
pour sculpter le faisceau
à la forme et à la profondeur
de la tumeur.

Courbes de niveaux
de doses superposées
à la tomographie du
foie d'un patient traité
par médecine nucléaire
(logiciel Œdipe).

Alphathérapies : un terrain
totalement nouveau à défricher.
Lacassagne de Nice (Var), les équipes de l'Institut
ont créé des outils de mesure et de calcul spécifiques
à ces rayons atypiques. Puis elles ont étudié le comportement des lignes de faisceau et ont développé un
modèle mathématique pour prédire ces doses secondaires sur de nombreux organes : poumons, foie,
cœur, reins... « Notre modèle n'est pas encore utilisable
en clinique, mais il donne des ordres de grandeur... »,
commente Isabelle Clairand. À terme, il devrait permettre aux professionnels de proposer des plans de
traitement efficaces, mais avec moins de risques d'effets secondaires.
Les techniques par mini-faisceaux sont dans le viseur
de Christelle Huet, chercheuse en dosimétrie. Les travaux en cours ont pour objet de développer des techniques de mesure plus précises de la dose délivrée par
les plus petits de ces faisceaux - champs inférieurs à
1 cm. À terme, grâce à ces connaissances, les praticiens
pourront utiliser les plus petites tailles de faisceaux disponibles sur leurs appareils de traitement.

La juste dose pour le malade

Quelles conséquences sur le cœur ?
En raison de sa position anatomique dans la région
thoracique, le cœur est un organe à risque pour la
radiothérapie du sein. Il a été démontré que, jusque
dans les années 1990, ces radiothérapies étaient responsables d'une mortalité accrue par maladie cardiovasculaire. Aujourd'hui, les traitements sont plus
protecteurs, mais Sophie Jacob, épidémiologiste à
l'IRSN, veut connaître les doses résiduelles reçues au
cœur et leurs éventuelles conséquences. Elle a lancé
le projet Baccarat : « Des études sont réalisées sur de
grandes cohortes pour connaître les complications à long
terme au niveau de cet organe. Nous menons une étude
clinique observationnelle et prospective avec la clinique
Pasteur, à Toulouse (Haute-Garonne). Nous suivons les
patientes dès leur entrée en traitement et pendant deux
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ans après la radiothérapie. » Des examens médicaux
réguliers, notamment d'imagerie cardiaque sont réalisés, pour observer les éventuelles lésions au cœur avant
qu'elles ne soient symptomatiques ou entraînent un
risque cardiovasculaire avéré.
« Nous voyons les zones les plus sensibles et les plus exposées de l'organe. Nous espérons proposer des mesures de
prévention comprenant l'optimisation de la dose aux
structures les plus critiques du cœur. Nous travaillons sur
l'identification précoce des patientes à risque et la mise
en place d'un suivi ad hoc. »

1à2%
des patients
développent des
effets indésirables
cinq ans après une
radiothérapie.

Administrer les rayons via un médicament porteur
d'un atome radioactif, et non plus par un faisceau
extérieur : la technique est connue depuis la Seconde
Guerre mondiale. Grâce aux progrès de la génétique,
depuis la fin des années 2000, de nouveaux médicaments sont développés dans ce domaine. Il s'agit
de radiothérapie « interne vectorisée » ou médecine
nucléaire thérapeutique. La substance radioactive
est liée à une molécule se fixant spécifiquement sur
les cellules cancéreuses, ou à des structures comme
des microsphères, qui se « coincent » dans certains
vaisseaux pour délivrer les rayons à un endroit précis. Ces traitements, le plus souvent administrés par
voie intraveineuse, sont pour l'instant prescrits de
manière assez empirique : les quantités reçues sont
essentiellement définies en fonction de la corpulence
des patients. Or ces médicaments ne vont pas au
même endroit et dans les mêmes proportions chez
tous les patients. Une fraction peut se loger dans des
tissus sains, y compris à distance de la tumeur visée.
C'est pourquoi il est important de trouver le moyen
de définir, pour chaque malade, la juste dose, nécessaire et suffisante.
Cette problématique se pose avec plus d'acuité
depuis l'apparition récente d'alphathérapies. Par
rapport aux radiopharmaceutiques à rayonnement
bêta, « ils délivrent une énergie bien plus importante, et sur une distance très courte. Ils sont plus
efficaces pour détruire la tumeur, mais il faut d'au-

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