Expertises des Systèmes d'information - Le mensuel du droit de l'informatique et du multimédia - Juin 2017 - n°425 - 226

Doctrine

Propriété intellectuelle
Du « patent troll »
au « trademark troll »

Des pratiques abusives et néfastes
au développement des entreprises
Les titres de propriété intellectuelle constituent un
capital important pour les entreprises et un outil
indispensable à leur développement tant au niveau
local qu'international. Pourtant, depuis peu, l'objectif
de la propriété intellectuelle se trouve détourné par
des entités malfaisantes, appelées « trolls », qui usent
de la législation afin d'en tirer un profit financier.

I

l s'agit des NPEs (Non Practicing
Entities, ou personnes morales sans
activité), à savoir des entreprises
qui ne fabriquent aucun produit et
dont la seule activité consiste à acquérir des brevets [ou des marques] dans
le but de les opposer à des tiers1 et
leur imposer la conclusion de contrats
de licence sous la menace d'actions
judiciaires.

Les patent trolls : un
phénomène né aux Etats-Unis
L'activité des NPEs est d'abord apparue
au début des années 2000 aux EtatsUnis dans le monde des brevets et s'est
développée par la suite dans le reste
du monde. Ainsi, au lieu d'exploiter
un brevet pour sa vocation originelle,
à savoir la protection d'une invention
à travers un droit temporairement
exclusif d'exploitation compensant les
investissements de la recherche, les
patent trolls acquièrent des brevets
et attendent leur intégration dans des
normes de production pour en révéler
l'existence et soumettre ainsi les industries innovantes à la conclusion de
contrats de licence coûteux.
Les trolls peuvent être les inventeurs
eux-mêmes, mais le plus souvent c'est
une personne à proximité de l'inventeur qui aura financé la réalisation

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de l'invention, il peut également s'agir
d'un tiers loin de toute activité de
recherche qui aura acheté des brevets,
éventuellement à bas prix à l'occasion
d'une faillite d'entreprise, pour les valoriser de manière maximale afin de
les opposer aux industriels2. Même si
ce sont les petites sociétés qui sont les
plus ciblées dans la mesure où elles
ne disposent pas de moyens pour se
défendre en justice et acceptent plus
facilement les règlements amiables, les
grosses multinationales sont également
affectées par les trolls.
A titre d'exemple, en 2010, la société
VirnetX, l'un des trolls les plus connus
aux Etats-Unis, a attaqué Microsoft
pour contrefaçon de ses brevets concernant VPN (Virtual Private Networking).
Cette dernière a choisi de mettre fin au
litige en payant 200 millions de dollars
à VirnetX, à défaut de poursuivre cette
affaire au tribunal. Quatre ans plus
tard, Microsoft a payé une autre somme
de 23 millions de dollars à la même
société pour contrefaçon de brevets sur
des produits intégrés au service Skype3.
De même, en septembre 2016, le géant
Apple a été condamné au paiement de
302 millions de dollars une fois de plus
à VirnetX, après un long procès concernant les brevets de cette dernière sur
VPN4.

EXPERTISES JUIN 2017

Les actions des trolls sont donc persistantes, fructueuses et nombreuses.
Effectivement, aux Etats-Unis, plus de
deux tiers des litiges judiciaires relatifs aux brevets étaient engagés par
des patent trolls en 2015. Les attaques
de trolls sont également stratégiques,
puisqu'environ deux tiers de la totalité
des actions intentées par les NPE se font
devant la District Court for the Eastern
District of Texas, connue pour être favorable aux propriétaires de brevets. Il
est d'ailleurs intéressant de constater
que 95% des litiges de cette juridictions,
concernant les brevets, sont initiés par
des NPE5.

Les patent trolls :
la menace traverse l'Atlantique
pour rejoindre l'Europe
Même si le système européen s'avère
moins attractif aux patent trolls dans la
mesure où le champ de brevetabilité est
plus restreint et les frais de justice ainsi
que les montants de dommages-intérêts
sont moins importants, il en demeure
que la pratique se présente en Europe.
Ainsi, au Royaume-Uni, le British
Technology Group qui est à la tête d'un
portefeuille de plus de 3500 brevets, a
déjà attaqué en contrefaçon de brevet6
des sociétés telles qu'Amazon, Netflix,
Microsoft ou encore Apple.
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