La revue RH&M - N°68 - Janvier 2018 - 60

| LU POUR VOUS |
Par JEAN-MICHEL GARRIGUES, Directeur des Ressources Humaines
et du développement, BLB Associés

LE BONHEUR
SANS ILLUSIONS
Malene Rydahl - Flammarion 2017

A

près le succès international de son premier
ouvrage « Heureux
comme un Danois »,
l'auteure récidive en sens
inverse : après nous avoir présenté
son pays enviable, elle se demande
pourquoi le monde confond si souvent bonheur et plaisir, destin et
instant, quête et conquête.

Un constat dogmatique
De nombreuses années de recherche
inondent ces pages salutaires de
données, de statistiques, d'exemples
célèbres ou anonymes, qui éclairent,
qui justifient, qui commentent. Des
enquêtes multiples montrent clairement l'aveuglement insensé des
citoyens du monde, pour lesquels
souvent brille de mille feux le pentagone ultime : beauté, argent, pouvoir,
célébrité, sexe.
L'accélération fulgurante des outils
numériques mondialise des banalités
et exalte le quotidien. Comment ne
pas tomber, dès l'adolescence, dans
l'addiction, quand tant de valeurs futiles poussent vers l'artifice ? Peut-on
susciter une rédemption mature
quand, depuis l'origine, le virtuel est
quotidien ?
L'ambition est aujourd'hui de but et
non de chemin. On rêve de l'image du
bonheur des autres, au lieu de vouloir son chemin de vie. Quand on n'a
pu naître riche, l'envie ultime est de

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gagner le gros lot d'un jeu local pour
immédiatement se doter d'un avenir
universel. Le dogme de l'apparence
suscite les pires excès, les folies les
plus ineptes.
Une vision pragmatique
L'auteure narre nombre d'exemples,
fortuits ou construits, de rencontres
avec des présomptions d'êtres heureux, prétention dont l'issue est
immédiate ou différée, quand vient le
temps des aveux dépités de bonheurs
artificiels. Avec sa bonhomie factuelle, elle reste dans l'étonnement
amusé et la réflexion utile, jamais
dans le jugement lapidaire ou la répulsion primaire, même quand son
éthique est ébranlée.
Ainsi, parmi les cinq obsessions
universelles, elle s'intéresse d'autant plus au pouvoir qu'une enquête
mondiale, incluant en 2015, pour
la première fois, des critères de
RSE et de gouvernance, a propulsé
un Danois comme meilleur PDG
worldwide ! Certainement en lien,
d'ailleurs, avec le classement de ce
peuple comme le plus heureux de
notre planète.
Car les Danois reconnaissent se
sentir bien au travail, constituant
un ensemble cohérent : vie personnelle et vie professionnelle, même
épanouissement ! Un panorama
cinglant, quand la France se traîne
perpétuellement aux derniers rangs

des sondages internationaux sur l'espérance en l'avenir, la confiance en
l'entreprise ou la qualité du dialogue
social !
Un destin tellurique
Comme souvent, la simplicité est
bonne conseillère. L'auteure, emplie de bienveillance éclairée et
d'empathie discrète, nous guide
vers l'évidence : d'abord s'apprécier
soi-même, oser la vérité, vouloir la
transparence, et découvrir le chemin
de confiance qui nous mène prudemment vers un destin inconnu, mais
nécessaire.
Fuir les stéréotypes du bonheur est
malaisé, quand tout ou presque nous
pousse vers sa reconnaissance sociale, l'image de la réussite aux yeux
des autres. S'abandonner aux critères publics est une tentation facile,
alors que tant de célébrités, en tous
domaines, suppurent le désespoir
derrière un épiderme de façade.
Le bonheur est un idéal accessible
mais complexe. Chacun a souvent
confondu progression et transgression, archétype et artifice. Qui n'a
pas succombé à un plaisir fugace,
en pensant tutoyer le bonheur ? Se
contraindre à l'effort est malaisé,
écarter la tentation est une volonté
permanente. Mais, si au bout du tunnel éclot la lumière, tout n'est que
volupté. A l'image de cet ouvrage,
simple, joyeux, et essentiel.
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