La revue RH&M - N°66 - Juillet 2017 - 15

leversement dont le déclencheur est la
technologie mais aujourd'hui, tout le
monde doit savoir "parler digital"...
Quelle est la vision du président
et quels sont les enjeux de la
digitalisation ? Apporte-t-elle des
opportunités de développement ?
Les enjeux sont doubles. C'est avant
tout un enjeu humain, d'organisation de
travail, de collaboration, de nouveaux
modes de management, plus collaboratifs, plus transversaux. Le deuxième
enjeu est vraiment dans l'analyse de la
chaîne de valeur, dans l'identification
d'opportunités que nous apporterait
l'offre de nouveaux services pour de
nouveaux clients, de nouvelles technologies... Nous nous posons sans
cesse une question fondamentale : où
pouvons-nous « disrupter » et ou pouvons-nous être « disruptés » ?
Quelles sont vos avancées à
l'heure actuelle en matière de
digitalisation ? Intégrez-vous
des start-ups pour instaurer
une nouvelle forme d'agilité, de
créativité ?
Le digital nous permet d'innover différemment. J'ai emmené mon équipe
de direction RH faire une learning
expedition à Londres pour découvrir de nouveaux modes de travail, de
digitalisation des process en matière
RH. Nous avons vu des start-ups, des
grands groupes, que ce soit dans un
monde classique, dans un monde financier, dans un monde plus digital, pour
nous enrichir des nouveaux modes de
fonctionnement. Pour ce qui est des
start-ups, nous travaillons avec des
incubateurs pour nous enrichir de leur
mode de fonctionnement, notamment
sur les modes de travail internes, les
plateformes collaboratives, les réseaux
sociaux. Nous intégrons aussi ce que le
digital peut nous apporter comme par
exemple des hackathons, des journées
innovation avec des speed datings avec
des start-ups, etc
Avez-vous un directeur de la
R&D ?
Nous avons un directeur de la R&D et de

l'Innovation. Hormis le PDG, c'est un de
mes meilleurs partenaires. Il a une formidable capacité à trouver de nouvelles
idées en termes de services, d'organisation au-delà de la R&D classique.
Dans le cadre de votre stratégie
RH, est-ce que vous considérez
qu'il est important d'insuffler
l'esprit d'innovation ?
Ce n'est pas important, c'est fondamental! Nous venons de réécrire, l'année
dernière, ce que certains appellent les
compétences managériales. Nous avons
appelé cela « les attitudes Saint-Gobain ». Nous avons cinq attitudes et il
y en a une qui s'appelle "Innover". Les
autres sont "Etre proche du client",
"Agir en entrepreneur", "Développer
une culture ouverte et engageante",
"Etre agile". L'innovation est absolument centrale dans l'histoire de
Saint-Gobain.

On ne fait pas souvent des réorganisations de cette ampleur. Nous souhaitions renforcer la diversité de l'équipe
de direction, l'enrichir de manières de
penser différentes, mettre à profit la
complémentarité de profils opérationnels de nationalité différente. S'inspirer des expériences variées et assurer la
stratégie de développement du groupe
pour les dix ans à venir. Nous avons
rassemblé les fonctions porteuses de la
transition digitale justement, telle que le
marketing, l'innovation et l'IT sous une
direction unique afin de rendre le sujet
plus visible au sein de l'entreprise.

Dans la mesure où vous
développez l'esprit d'innovation,
acceptez-vous le droit à l'erreur, et
comment gérez-vous cela ?
Le droit à l'erreur est important. Le
droit au succès également... Mais oui,
il faut être capable d'avoir une culture
d'entreprise qui justement ne censure
pas l'initiative au prétexte qu'il y a une
peur. C'est ce que nous essayons de
porter avec ces attitudes Saint-Gobain,
au-delà de toute notre histoire et de nos
caractéristiques d'excellence et de qualité, nous faisons tout pour enrichir nos
valeurs avec la capacité à prendre des
initiatives, à innover, à être agile...

Avec vos multiples centres
d'intérêts et d'activités, y a-t-il
parmi toutes ces activités des
risques d'ubérisation ?
J'essaye toujours de voir d'abord si nous
avons des opportunités d'ubériser. Je
crois qu'il est très important, quand on
regarde ce sujet, de le regarder des deux
côtés. Si je réponds strictement à votre
question, avons-nous des risques d'ubérisation, oui, bien sûr. Comme tout le
monde, quand vous avez une chaîne
de client, si quelqu'un, grâce au digital,
peut se mettre entre vous et votre client,
vous êtes ubérisé.
Il y a deux ou trois ans, nous avons
demandé à nos managers: « Que chacun regarde sa chaîne de valeur dans ses
opportunités et ses risques d'ubérisation. ». Il ne faut pas laisser l'impression
aux gens que le digital est une menace.
Le digital est une superbe opportunité,
il ne faut pas en avoir peur, ne pas être
systématiquement sur la défensive.

Pouvez vous parler d'un projet
pour lequel vous avez vraiment
fonctionné ensemble, qui a réussi
et dont vous êtes les plus fiers.
Je parlerais du changement de direction
et du changement managérial que nous
avons fait il y a un peu plus d'un an.
Nous avons complètement modifié l'organigramme du groupe. C'est le travail
d'une année de discussions, d'évaluations; nous avons dû changer la moitié
des postes clés de l'entreprise... Nous
avons pensé sur dix ans et avons mené
ce projet en très bonne collaboration.

Passons à une dimension un
peu prospective : comment
voyez-vous un nouveau modèle
économique ? Comment voyezvous l'entreprise dans ses
transformations majeures ?
L'entreprise va devenir une plateforme.
C'est ça, la grande transformation. À
quel horizon, je ne sais pas. Voilà ce qui
est formidable avec le digital : vous avez
accès à tout le monde, tout le temps,
partout, où que vous soyez. Donc, vous
devez tirer parti de cela pour être une
plateforme.

LA REVUE RH&M N°66 | JUILLET 2017 | P.15

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