La revue RH&M - N°63 - Octobre 2016 - 21

se mettre au service de quelque chose de
plus grand que soi et dont on approuve la
finalité globale, se sentir utile à cette finalité, voir ses contributions suffisamment
reconnues. Dans un monde de changements rapides, seul le sens peut justifier
la poursuite de l'action en dépit des incertitudes, des déceptions et de l'adversité.
Rendons-nous assez concret le sens de nos
actions, de nos décisions ? Sans doute faudrait-il prendre au sens littéral l'expression « raison sociale » ?

comme un individu entier et unique. En
conséquence, je veux affirmer mon identité (mes identités) et développer mon
autonomie aussi loin que possible et faire
jeu égal entre ma personne physique et la
personne morale de l'entreprise. C'est un
levier pour développer une vraie capacité
d'initiative et d'entrepreneuriat et un facteur de résilience. Mais sommes-nous vraiment sortis du mode Command-Control,
du fordisme, des représentations limitantes par fonction ou par profil ?

6 - L 'équilibre vie privée /vie professionnelle sera le principal facteur de
motivation.
Ce n'est pas le signe d'un désenchantement vis-à-vis de l'entreprise ou de la
« valeur travail ». C'est une plus grande
conscience de ses besoins fondamentaux et un plus fort respect de « ce qui
compte vraiment ». L'entreprise peut se
saisir de cette maturité pour concentrer
sa demande justement sur ce qui compte
vraiment et s'alléger des process et des exigences sans réelle valeur ajoutée. Ce qui
est visé ce n'est pas une stricte séparation
entre vie privée et vie professionnelle mais
au contraire la gestion personnalisée de
la porosité croissante entre les deux.
Sommes-nous prêts à gérer ce libre arbitre
et ses particularismes ?

9 - Le rapport au temps et au risque
change, les carrières dans l'entreprise seront plus courtes, de moins
en moins reliées à des logiques métiers et plus à des logiques projets.
Les personnes saisiront plus rapidement
et sereinement les opportunités qui à un
moment donné feront sens par rapport à
leurs valeurs, leurs capacités et leur projet de vie. Ils se projetteront de moins en
moins dans des carrières linéaires qui demanderaient du temps et des compromis.
Il faudra donc tirer tout de suite le meilleur parti des collaborateurs de talents et
utiliser tous les talents. La phase d'intégration sera plus critique et le cycle attirer
- intégrer - développer - retenir - fidéliser
s'accélèrera. L'ancienneté sera un critère
de moins en moins pertinent. Le pas de
temps annuel de nos actions est-il encore
adapté ? Comment passer de référentiels
métiers à des scénarios projets ?

7 - La pleine utilisation des capacités personnelles sera le principal
facteur de fidélité.
Ce n'est pas seulement tenir la promesse
de l'employabilité. C'est permettre de valoriser et de développer toutes ses compétences, d'exprimer ses appétences,
de réaliser son potentiel. C'est ce qu'il y
a de plus précieux dans l'aspiration de
l'homme. Le faisons-nous ? Nos systèmes
restent souvent empreints d'une vision
utilitariste court terme des compétences.
Quand on analyse un CV la multitude des
activités personnelles est souvent le signe
de la sous-utilisation des capacités de cette
personne dans l'entreprise. Pourquoi se
priver de ces richesses ?
8 - La reconnaissance de l'individualité et l'autonomisation seront
les principaux facteurs de loyauté.
Je veux que ma vie privée soit considérée d'égale importance que ma vie pro, je
veux aussi être reconnu dans l'entreprise

10 - Une part croissante des compétences dont aura besoin l'entreprise
seront à l'extérieur de l'entreprise
et voudront et pourront y rester. La
désintermédiation sera la règle.
Ce n'est pas la fin du salariat. Mais comment identifier, rémunérer et fidéliser ces
ressources extérieures dont l'utilisation
prendra d'autres formes que les contrats
actuels de consulting, de sous-traitance ou
d'assistance technique. Comment rémunérer celui qui collabore librement sur un
réseau social et apporte une compétence
importante, celui qui contribue à améliorer une solution, celui qui met en relation ?
Quel est alors le véritable corps social de
l'entreprise ? Quels droits et devoirs pour
l'entreprise et pour les apporteurs de ces
ressources ? DTRH, directeur de toutes
les ressources humaines, pas seulement
de celles qui ont un contrat de travail ?

11 - La culture de l'entreprise deviendra un actif stratégique, à la fois
facteur de résilience et levier de développement.
La culture a toujours été un enjeu, mais
souvent flou, car les éléments les plus forts
d'une culture sont implicites. La culture
c'est ce qui donne une identité durable à un
groupe social. C'est l'ensemble des représentations, des valeurs, des normes, des façons
de vivre ensemble qui se transmettent et qui
permettent à ce groupe dans son histoire
de résoudre ses problèmes et ses contradictions, d'interpréter ce qu'il vit, de maintenir
sa cohérence et sa cohésion tout en faisant
face à ses défis. Expliciter la culture d'une
entreprise, faire les liens avec sa mission,
c'est permettre à chacun de la vivre et de
la faire évoluer et d'en faire un levier. Comment mieux l'exprimer et la partager ?
12 - Les robots autonomes vont redessiner la carte des compétences
et des responsabilités et peut-être
même les contours du management.
Qui sera au service de qui et pour
quoi ?
L'industrialisation du Deep Learning ouvrira un vaste champ d'action à des robots
qui réaliseront en autonomie des tâches
complexes mais exerceront aussi de véritables responsabilités. La question de leurs
droits n'est plus de la science-fiction, des
fonctions de management ne sont plus exclues et l'intelligence émotionnelle des robots pourrait bientôt être plus satisfaisante
que celle de bien des humains. A quand
un DRPH ? Un directeur des ressources
presque humaines.
Face aux robots augmentés il faut un
homme augmenté. Pas augmenté par
hybridation avec des technologies-sauf
pour compenser une maladie ou un handicap-mais un homme augmenté par le
développement de toutes ses capacités
d'Homme. Cela repose de vieilles questions
« quel est le propre de l'Homme ? Quel est
son Projet ? » Plus que jamais, ce ne sont
pas des questions de salon (la liberté, semblant la meilleure réponse aux deux questions). Nous savons qu'il reste de grandes
marges de progrès pour développer et
valoriser avec justesse tous les potentiels
individuels et collectifs des femmes et des
hommes. Nous savons aussi d'où viennent
les résistances. C'est peut-être là que se joue
la responsabilité spécifique de la GRH.

LA REVUE RH&M N°63 | OCTOBRE 2016 | P.21

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