La revue RH&M - N°63 - Octobre 2016 - 11

sitaires avec celles des organismes sociaux.
Les débats parlementaires ont fait ressortir
des craintes légitimes par rapport à cela.
Qui aura accès aux données, dans quel
cadre, pour quel usage ? Il faut bien comprendre qu'il y a deux mesures distinctes
d'accès aux données.
La première, c'est l'open data par défaut :
chaque entité chargée d'une mission de
service public met en ligne les données
qu'elle reçoit ou produit. Mais les protections usuelles subsistent bien évidemment :
protection des données personnelles, protection des secrets industriels et commerciaux, protection au titre de la sécurité
nationale, etc.
La deuxième, c'est l'opportunité pour des
chercheurs et statisticiens de travailler à
partir de données jusqu'ici inaccessibles
en raison de leur sensibilité, comme la
base des allocataires des caisses d'allocations familiales, qui comprend bien sûr
des données nominatives. Ce qui est créé,
c'est justement ces conditions d'accès sécurisés qui n'existaient pas, pour permettre
à des chercheurs habilités, à travailler sur
ces données dans un cadre de recherche
donné. Cela permettra par exemple de réaliser des travaux quantitatifs sur l'impact
d'un revenu universel, sur lequel beaucoup
de choses restent à faire pour en mesurer
l'impact.
Les propositions du gouvernement
à l'Union Européenne pour favoriser les investissements croisés dans
l'innovation font-elles partie de ce
projet de loi ?
Ce projet de loi a fait le pari de l'innovation par la donnée, et c'est tout le sens de
la première partie du projet de loi. Nous
avons également inscrit la prolongation
du suramortissement et son extension
aux investissements numériques comme
les datacenters. En revanche toutes les
mesures de nature financière ou fiscale sur
l'innovation ont davantage leur place en loi
de finances et non pas dans ce texte. Ce sera
par exemple le cas pour le projet de compte
entrepreneur-investisseur sur lequel je
travaille actuellement avec le ministre de
l'Economie et des Finances, Michel Sapin.
Il doit permettre de développer le financement de l'innovation en phase amont, grâce
à l'accroissement des business angels qui
ont besoin de cet outil pour être efficaces et
accompagner les startups dans leur croissance à un moment où les banques ou les

fonds d'investissement traditionnels font
défaut. S'agissant des mesures à promouvoir au niveau européen, j'ai mené avant
l'été une consultation publique auprès de
tout l'écosystème de startups, pour proposer à la Commission une série de mesures,
comme le soutien financier à des fonds
paneuropéens, ou le jumelage des écosystèmes des capitales européennes et de
challenges d'innovation croisés. Je crois
beaucoup au développement d'un intérêt
et d'une conscience européenne par les
échanges et les rencontres entre individus,
par les projets concrets, et pas seulement
par les conditions financières ou réglementaires. C'est aussi ce que me disent les
entrepreneurs, qui bien souvent n'ont pas
étendu leur activité dans le pays européen
voisin par manque de contact ou méconnaissance culturelle, davantage qu'à cause
de freins règlementaires.
2. LA CRÉATION EXPONENTIELLE
DE START-UP :
Est-elle à bout de souffle ?
Au contraire, la French Tech est en
pleine croissance et tous les indicateurs
témoignent de ce dynamisme. Les investissements en capital-risque ont tout simplement doublé entre 2014 et 2015 et sur le
premier semestre 2016 les levées de fonds
ont progressé de 25% par rapport à la
même période l'année précédente. Au premier semestre 2015, la France s'était affirmée comme l'un des premiers marchés du
capital risque à l'échelle européenne, avec
159 investissements réalisés dans les entreprises françaises, nous plaçant au premier
rang européen, pour un montant total de 1
Milliard d'euros. Les importants investissements réalisés dans les startups françaises
en 2015 traduisent cette évolution, avec 7
levées de fonds de plus de 25 millions d'euros : Blablacar (178 M€), Sigfox (100 M€),
Vestiaire collective (33 M€), Prêt d'union
(31 M€), Alelia (28 M€), Ouicar (28 M€),
Devialet (25 M€). En 2014, une seule levée
de fonds de cette ampleur avait été réalisée,
par Blablacar (100 M€).
Au premier trimestre 2016, 133 levées de
fonds ont été réalisées pour un total de 283
millions d'euros, soit une hausse de 34%
en volume et 20% en valeur par rapport au
premier trimestre 2015. Pour ce premier
trimestre 2016, trois secteurs se sont particulièrement démarqués : les applications et
technologies d'entreprise avec 12 levées de

fonds pour un total de 52M€ (Cedexis avec
22,8M€), le secteur beauté et santé avec
11 levées de fonds et 37M€ (mondocteur.
fr avec 12M€) et enfin, les Fintech avec 7
levées de fonds pour un montant de 26M€
(Lendix avec 12M€). Sur cette période, la
France se place en tête du classement européen en nombre de deals et BPI France
apparaît comme le premier investisseur
européen en nombre de deals.
L'été a vu deux nouvelles levées de fonds
importantes pour nos pépites françaises :
OVH (250 M€) et Teads (43 M€). Sans
oublier que bientôt, le plus grand incubateur au monde, Station F, ouvrira ses portes
à Paris.
Est-ce un effet de mode ?
Plutôt qu'un effet de mode, je parlerais
d'une transformation culturelle silencieuse
qui fait de notre pays d'ingénieurs renommés une terre fertile pour entrepreneur(e)
s. On peut s'en réjouir : la French Tech a
redonné ses lettres de noblesses à toutes
celles et ceux qui, en Ile de France comme
dans les territoires, créent, entreprennent,
et prennent quotidiennement des risques.
Il y a une véritable dynamique, c'est indéniable. On l'a vu avec l'annonce des labellisations des réseaux thématiques à Laval
le 25 juillet dernier. Tous nos territoires se
hissent et deviennent de véritables modèles
à travers le monde. A Laval par exemple, la
société Eon Reality, leader sur le marché de
la réalité virtuelle, a choisi de venir implanter son siège social en France. Chaque fois
que je me déplace sur des salons, que je
rencontre des entrepreneurs, je vois beaucoup de passion, de travail. Il ne s'agit pas
d'effet de mode. Les entrepreneurs savent
aussi les sacrifices qu'ils font quand ils se
lancent. Aucun d'entre eux, d'entre elles
ne vous dira jamais : « j'ai suivi le mouvement ».
Quel apport économique ?
L'apport économique est double : il
concerne évidemment les startups, ces
jeunes entreprises en croissance rapide à
la recherche des talents d'aujourd'hui et
de demain. Mais plus fondamentalement
les startups préfigurent l'économie de
demain et l'enjeu est bien de contribuer à
la transformation numérique de l'ensemble
de notre économie, qu'il s'agisse des PME
ou des entreprises du CAC 40. De plus,
les startups ne sont pas un secteur à part
entière mais regroupent de nombreux sec-

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