ParaMag - n°335 - Avril 2015 - 36

trace_335_Couv 30/03/2015 14:59 Page 3

Allumage de la première torche éclairante,
avant le départ. Photo Simon Wandeler

BASE JUMPP

En août 2013, Patrick Kerber réussissait
une première en wingsuit à la Jungfrau, un
sommet des Alpes bernoises, en Suisse,
avec un vol de dénivelé de 3240 mètres
(cf. ParaMag 317 d'octobre 2013). Ce record officieux était suivi quelques semaines
plus tard du départ le plus haut en BASE
jump depuis l'Eiger (3820 m), toujours en
wingsuit. Ces performances, certes moins
visuelles et moins médiatisées que les passages au ras des pâquerettes ou du relief,
demeurent inégalées à ce jour.
Pour ce nouveau projet, bien que restant
dans l'esprit du paralpinisme, Patrick Kerber s'est attaqué à l'esthétique et à l'image.
Son objectif était de matérialiser complètement sa trajectoire lumineuse durant un
vol de nuit en wingsuit BASE, depuis le
point de départ jusqu'à l'atterrissage. Il
nous explique comment il y est parvenu,
avec l'aide d'un complice BASE jumper et
de deux photographes.
ParaMag : Où, quand et à quelle heure
cette photo a-t-elle été prise ?
Patrick Kerber : C'était le 11 février 2015,
vers 22 heures, à Engelberg, au cœur de la
Suisse. Le lieu exact de prise de vues est
situé sur le Fürrenalp, les objectifs pointaient vers le versant est du mont Titlis, de
là où je me suis élancé. Ce spot c'est un
peu "chez moi", ma zone de saut habituelle
et là où je m'entraîne. J'y ai sauté de nombreuses fois depuis que je l'ai ouvert, en
2007.

Avril15:335
paramag.fr

Avais-tu ce projet en tête depuis longtemps ? Comment t'est venue cette idée ?
Avec mon ami Simon Wandeler (qui a
sauté juste après moi), nous voulions faire
un vol de wingsuit BASE de nuit, en

Vue embarquée de dos, durant le vol de nuit
et avec la torche à la main. Photo Patrick Kerber

pleines conditions hivernales, depuis longtemps déjà. Mais cela ne s'était jamais
concrétisé. Fabian Wyss, un autre ami
photographe, me donna l'idée d'utiliser
une lumière additionnelle accrochée sur
moi pour réaliser une photo vraiment spéciale, avec un très long temps de pose.
C'est un photographe talentueux et lorsqu'il
m'a parlé de ça, j'ai immédiatement visualisé ce qu'il voulait obtenir et comment
nous pourrions y parvenir. La difficulté à
surmonter consistait à trouver une lumière
assez puissante pour qu'elle soit visible et
photographiable à une distance de 1,5 à 2
km, tout en étant attachée sur mon corps.
Il fallait notamment que cette source de
lumière ne modifie pas trop le profil de vol
de ma combinaison. J'ai alors pensé à une
torche éclairante, comme celles qui sont
utilisées pour des missions de sauvetage
ou d'urgence. Mais ce type de torches
brûle à une température très élevée, et ma
plus grande crainte était d'être blessé ou
de détériorer mon équipement, ce qui me
serait fatal en wingsuit BASE.
Au final il y a eu deux photographes sur le
coup : Fabian Wyss et Christian Meier.
Ce sont tous les deux de très bons
photographes et les deux ont obtenu un
très bon résultat. Bien que ce soit Fabian
Wyss qui ait eu l'idée, la photo de Christian
était légèrement meilleure et c'est la sienne
que nous avons choisi de publier.
Pourquoi avoir choisi cet endroit ?
Nous avions besoin d'un spot qui soit
accessible en plein hiver et duquel nous
pourrions sauter en sécurité. Mais comme
à plus de 3000 mètres il fait très froid,
surtout la nuit, le point de départ était com-

plètement gelé. Nous avons apporté du
matériel de dégivrage pour préparer le
point de départ.
Il fallait également que toute la trajectoire
du vol soit visible depuis un même point de
prise de vues. Après deux essais, nous
avons trouvé le point de départ et l'angle
de vol idéals.
Quelle a été la plus grande difficulté dans
la préparation ?
Tout ce qui concernait les torches éclairantes. Elles se consument en une minute
exactement. Pour préserver mon matériel
et ma sécurité, je ne voulais absolument
pas ouvrir mon parachute alors que la
torche était encore en train de brûler. J'ai
donc suivi un timing de vol précis pour être
certain d'ouvrir après que la torche se soit
éteinte. À ce moment seulement je pouvais
ouvrir mon parachute, débrayer mes ailes
et commencer la phase sous voile.
Pour cela je disposais d'un créneau
d'environ 20 secondes avant de devoir
allumer la deuxième torche éclairante qui,
elle aussi, brûlerait durant une minute.
Comme je ne voulais pas me poser avec
cette torche encore fixée au pied, il fallait
que le timing des séquences de vol soit lui
aussi très précis. Ces torches éclairantes
sont si puissantes qu'elles se consument

LIENS
WEB

La vidéo des sauts d'entraînement
et du vol de nuit
http://youtu.be/WCxoRW9k_MM

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