REFLETS MAGAZINE - Revue d'information et de réflexion économique - n°95 - 51

son activité. Le marché interbancaire est suffisamment à l’étiage pour que la banque centrale
européenne injecte mille milliards de liquidité
dans le système bancaire. À la difficulté de
trouver du cash s’ajoute pour le banquier le
prix élevé d’une telle liquidité. Un exercice
périlleux chaque jour au sein d’une banque.
Les rôles se sont inversés : l’entreprise souvent
à court de cash se tournait vers ses banquiers,
dont on imaginait les poches infinies, et la
relation s’instaurait sur le risque de contrepartie, le taux et les commissions. Aujourd’hui, les
banques sont (re)devenues des fournisseurs
d’argent en quantité limitée, avec lesquels les
groupes traitent de la même manière qu’avec
leurs autres fournisseurs. Parole de banquier :
« C’est incroyable ce qu’on connaît mal le
métier de trésorier d’un corporate ».

Délocalisation et centralisation
Le coût du travail, la pression concurrentielle
en cette période de crise, les évolutions incertaines de la zone euro, conduisent les entreprises, nous le savons bien, à envisager une
délocalisation des forces de production. Bien
ou mal, ces délocalisations sont moins le fruit
d’un manichéisme économique que la résultante des contraintes.
À l’opposé, on constate une nouvelle force de
concentration/recentralisation du pilotage de
gestion des groupes industriels et de services.
On l’a vu en ce qui concerne le cash. Les reportings suivent la même logique : accélération
des reports, plus d’interaction entre siège /
holding et filiale, décisions plus rapides. Le
suivi des performances est évidemment plus
serré mais, de facto, plus concentré / plus centralisé au sein du siège ou de la holding.
Par ailleurs, les fonctions de gestion subissent,
elles aussi, leurs mesures de productivité, de
réduction de coûts et d’effectifs.
Les deux phénomènes conjugués conduisent
à l’émergence d’un mouvement internalisant
des activités de gestion. Les centres de service
partagé (CSP) posent question : maintenir ou
ne pas maintenir tout ou partie en Europe de
l’Est ou au Maghreb. La décentralisation en
filiale d’une activité de gestion, assortie en

général d’une autonomie de décision, pose
question : les enjeux sont suffisamment forts
ces temps-ci pour centraliser au plus haut des
hiérarchies les décisions de financement, de
développement, d’engagement de dépenses.
Les business units et la complétude de leurs
activités posent question : s’abstenir d’une
autonomie de gestion pour tout ou partie ouvre
la question de savoir si la business unit ne se
réduit pas à un centre de distribution ou de
production.
Sécuriser le pilotage d’un groupe industriel ou
de service, le maintenir manœuvrant dans des
jours difficiles, accélérer sa capacité à décider
vite, (re)devenir flexible et adaptable, passent
visiblement en ce moment par la recentralisation d’un certain nombre d’activités de gestion.
Le paradoxe réside probablement dans le fait
que les unités de production voient leur futur
toujours éclairé par la perspective des délocalisations.

Croissance ou pas croissance ?
Nos économies sont évidemment assises sur
la nécessité d’une croissance. Et la consommation ne se décrète pas. En revanche, les entreprises ont aujourd’hui un atout très fort en cas
de reprise de la croissance de manière significative : elles maîtrisent mieux et plus rapidement leur pilotage, elles décident plus vite,
elles disposent d’une meilleure lisibilité de leur
capacité financière. Il n’est pas (encore) interdit d’être optimiste : si croissance il y a, les
entreprises sauront réagir plus vite. On se rapproche de cette réactivité tant enviée des ÉtatsUnis… si tant est que le système bancaire
assure et assume sa fonction de financeur de
l’économie dans des conditions normales.

Michel
Mondet

>E81
Président
d’AkeAnce
consulting
Fondateur d’Akeance
Consulting en 2004,
Michel Mondet a
occupé
successivement des
postes opérationnels
en matière de prise de
risque tant en crédit
qu’en capital au sein
du Crédit National
d’abord (aujourd’hui
Natixis), puis au sein
du pôle « économie
mixte » à la Caisse
des dépôts. Entré
chez KPMG Peat
Marwick en 1989, il a
été coopté partner en
charge de la banque
de détail en 1996. Il
est actionnaire
membre des comités
d’investissement des
fonds Aurinvest et
directeur général
d’Aurinvest Capital 2.
Il est co-fondateur de
Bienprévoir.fr.

La situation est trop grave pour qu’on se
contente d’un « à toute chose malheur est
bon ». Mais il faut admettre que les réformes,
les transformations, les adaptations des entreprises de ces dernières années méritent d’en
souligner les aspects positifs. Un peu d’espoir
sous les nuages noirs d’un monde bancaire
très fragilisé et d’une zone euro qui peine à se
stabiliser.

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mai/juin 2012

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