REFLETS MAGAZINE - Revue d'information et de réflexion économique - n°95 - 14

Trajectoire
Nous avoNs le devoir
de mieux iNformer le graNd
public sur les missioNs
des juges coNsulaires afiN
que plus de crédit soit doNNé
à Nos décisioNs
RM. Quel est votre programme ?
F. Gentin. Mon constat est simple : l’image des
tribunaux de commerce est souvent imprécise,
inexacte, parfois même sulfureuse. Nous peinons à inspirer confiance, alors même que
nous comptons parmi les structures juridiques
qui fonctionnent le mieux en France : nous
avons moins de 10 % de taux d’appel et la cour
d’appel confirme 70 % de nos décisions ! Nous
avons le devoir de mieux informer le grand
public sur nos missions, afin que plus de crédit
soit donné à nos décisions.
C’est pour cela que j’ai retenu trois axes qui
renforceront notre crédit auprès des justiciables : Premièrement, j’améliorerai notre
transparence. Nous publierons plus de chiffres,
par exemple sur les mouvements de fonds
opérés par nos mandataires judiciaires, sur les
appels, sur les délais des procédures…
Deuxièmement, je souhaite élever le niveau
d’exigence à l’égard de mes pairs. En effet, nous
ne fonctionnons pas comme une entreprise :
nous ne sommes pas contraints par des fournisseurs, des clients ou des concurrents. La
stimulation doit être insufflée en interne.
Troisièmement, j’approfondirai la coopération
avec les autres tribunaux de commerce. La
crédibilité d’une institution passe par la « prévisibilité » de ses décisions. Cette sécurité juridique impose une harmonisation et une cohérence des décisions des différents tribunaux de
commerce. C’est délicat, car l’imperium du
juge doit être respecté !

RM. Considérez-vous que le tribunal de
commerce de Paris ait un devoir
d’exemplarité ?
F. Gentin. Bien sûr ! Il s’agit du tribunal de com-

mai/juin 2012

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merce le plus important de France. Tous les ans,
nos 172 juges traitent 20 000 contentieux, près
de 10 % des litiges déclarés à l’échelle nationale,
3 000 liquidations, 300 redressements ou sauvegardes… Ils produisent 5 000 ordonnances de
référés, 12 000 injonctions de payer…
En outre, nous bénéficions d’une légitimité
particulière, par notre ancienneté et par notre
localisation sur l’île de la Cité, lieu de justice
depuis mille ans.
Cela nous confère une certaine influence. J’espère que cela nous permettra d’initier ou d’accélérer des évolutions nécessaires. Par exemple,
j’ai constaté que nous ne comptons encore
parmi nos rangs que 12 % de femmes. Notre
objectif est d’atteindre au moins 30 % de candidates. Nous avons déjà fourni des efforts de
communication en ce sens, dont nous avons
perçu les premiers résultats en quelques mois.
C’est encourageant.

RM. Vous êtes très engagé. Parvenez-vous
à cumuler vos activités de juge et de chef
d’entreprise ?
F. Gentin. J’ai transformé Bernis en une société
d’investissement organisée en plusieurs entités
indépendantes avec chacune son propre patron.
À chacun, l’entreprise attribue chaque année une
quotité d’actions gratuites en fonction des résultats de l’entreprise. Ces directeurs généraux sont
à la fois salariés et associés de leur entreprise. Je
leur délègue toute la gestion opérationnelle.
Nous sommes liés par un fort niveau de
confiance et ils ont une très grande autonomie.
C’est ce qui me permet de disposer du temps
nécessaire à mon mandat de président.
En revanche, le cumul est plus facile quand on
est « simple juge ». C’est une fonction qui
réclame seulement une journée de présence
au tribunal et une demi-journée de travail
supplémentaire par semaine… De ce fait, on a
autant de jeunes retraités que des quadras au
faîte de leur carrière. Il faut dire que nos besoins
en recrutement sont importants : à Paris, nous
élisons en moyenne 17 nouveaux juges par an
! Les ESSEC sont bienvenus..
PRoPos ReCueillis PaR louis aRMengaud
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