REFLETS MAGAZINE - Revue d'information et de réflexion économique - n°95 - 12

Trajectoire
Frank Gentin
président du tribunal de commerce de Paris

« La justice commerciaLe
est un éLément-cLé
du contrat sociaL »
Frank Gentin a été élu à la tête du plus important tribunal de commerce de
France. il revient sur son parcours d’entrepreneur, qui lui a inspiré son
programme : transparence, performance et bonnes pratiques sont les
maîtres mots qui guideront son mandat.
Reflets Magazine. Lorsque vous avez
intégré l’ESSEC, le cursus « droit »
n’existait pas. Comment en êtes-vous
venu à l’exercice de cette discipline ?
Frank Gentin. Par la pratique. Le monde des
affaires est de plus en plus judiciarisé et personne
n’y échappe. C’est vrai en matière sociale, commerciale, environnementale… Mon expérience,
c’est que la sécurité juridique est un facteur de
stabilité, de confiance et donc de développement. Comme j’ai une formation libérale sur le
plan économique, je suis convaincu que les
règles du jeu juridique sont essentielles.
Et je crois que j’avais à la base une forme de
tropisme pour le droit. Après quinze ans de ma
vie de patron, j’ai ressenti le besoin de trouver
une autre forme de contribution à la société que
celle qui m’occupait. Même si je suis imprégné
du fait que le rôle social de l’entrepreneur va
bien au-delà de la création de richesse. Des
souvenirs de lecture…
J’ai satisfait ce « besoin » en rejoignant le tribunal de commerce en 2003, où j’apprends
depuis dix ans.

RM. Comment devient-on juge dans un
tribunal de commerce ?
F. Gentin. Les juges consulaires sont des chefs
d’entreprise ou des cadres dirigeants qui
exercent leurs fonctions juridictionnelles à titre
bénévole. Nous sommes près de 3 100 en
France, répartis dans environ 140 tribunaux.

mai/juin 2012

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Nous sommes élus par les représentants des
entreprises et des fédérations professionnelles
de notre juridiction, pour un mandat de quatre
ans renouvelable deux fois, après une première
période probatoire de deux ans.

RM. Ne doit-on pas avoir reçu une
formation juridique ?
F. Gentin. Si la légitimité du juge du commerce
est son élection, son efficacité vient de sa compétence économique et de son expérience des
affaires. C’est essentiel pour traiter les difficultés des entreprises, par exemple pour apprécier
un plan de sauvegarde ou de redressement.
Cela l’est également pour traiter certains
contentieux entre les entreprises, par exemple
en matière de concurrence déloyale.
Cependant, à son arrivée dans sa juridiction,
chaque juge consulaire suit une formation
juridique sanctionnée par un examen. Et cela
se poursuit par un programme de formation
continue. Pour ma part, j’ai même décidé de
reprendre le chemin de l’université : j’ai obtenu
une licence de droit en 2005.

RM. Pour autant, certains réclament des
chambres mixtes, présidées par un
magistrat professionnel…
F. Gentin. C’est un débat récurrent. On appelle
cela l’échevinage. C’est d’ailleurs le modèle en
vigueur en Alsace et en Moselle, pour des raisons historiques. Je pense que ce serait une

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